Le moine et l’adversité

par | Mai 10, 2020 | 0 commentaires

« Le maître zen, Hakuin, vivait dans une ville du Japon. On le tenait en haute estime et bien des gens venaient l’écouter dispenser ses enseignements spirituels. Un jour, la fille adolescente de son voisin tomba enceinte. Les parents de cette dernière se mirent en colère et la réprimandèrent pour connaître l’identité du père. La jeune fille leur avoua finalement qu’il s’agissait d’Hakuin. Les parents en colère se précipitèrent chez lui et lui dirent en hurlant et en l’accusant que leur fille avait avoué qu’il était le père de l’enfant. Il se contenta de répondre : « Ah, bon? »  
La rumeur du scandale se répandit dans la ville et au-delà. Le maître perdit sa réputation et plus personne ne vint le voir. Mais cela ne le dérangea pas. Il resta impassible. Quand l’enfant vint au monde, les parents le menèrent à Hakuin en disant : « Vous êtes le père, alors occupez-vous en! » Le maître prit grand soin de l’enfant. Un an plus tard, prise de remords, la jeune fille confessa à ses parents que le véritable père de l’enfant était le jeune homme qui travaillait chez le boucher. Alarmés et affligés, les parents se rendirent chez Hakuin pour lui faire des excuses et lui demander pardon. « Nous sommes réellement désolés. Nous sommes venus reprendre l’enfant. Notre fille a avoué que nous n’étiez pas le père ». La seule chose qu’il dit en tendant le bébé aux parents fut : « Ah, bon? »
Le maître réagit de façon identique au mensonge et à la vérité, aux bonnes nouvelles et aux mauvaises nouvelles. Il dit : « Ah, bon? ». Il permet à la forme que prend le moment, bonne ou mauvaise, d’être ce qu’elle est. Ainsi, il ne prend pas part au mélodrame humain. Pour lui, il n’y a que ce moment, ce moment tel qu’il est. Les événements ne sont pas personnalisés et il n’est la victime de personne. Il fait tellement un avec ce qui arrive que ce qui arrive n’a aucun pouvoir sur lui. […]
Imaginez un instant comment l’ego aurait réagi au cours de ces divers événements. »

(Tolle 2018 : 199-200).

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Ce conte participe du triptyque de contes éclairant, selon Eckhart Tolle, « les trois aspects fondamentaux de la liberté véritable et de l’illumination authentique » (Tolle 2018 : 222), à savoir la non-résistance, le non-jugement (voir Le vieil homme et le cheval) et le non-attachement (voir La légende qui sauva le roi).

Or, le principe de résistance aux événements est à l’origine d’une bonne part de la souffrance. Eckhart Tolle, parlant du moine, ajoute que, les événements n’étant pas personnalisés, le moine n’est la victime de personne : « Il fait tellement un avec ce qui arrive que ce qui arrive n’a aucun pouvoir sur lui. C’est seulement quand vous résistez à ce qui arrive que vous êtes à la merci de ce qui arrive et que le monde détermine votre bonheur ou votre malheur » (Tolle 2018 : 200).

Cette position n’est pas sans rappeler Epictète et le stoïcisme : « Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu désires ; mais désire que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux » (Cornette de Saint Cyr 2017 : 27).

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