La légende qui sauva le roi
D’après ce que raconte une vieillie histoire soufie, un roi vivant jadis dans un pays du Moyen-Orient était continuellement déchiré entre le bonheur et le découragement. La moindre petite chose le contrariait beaucoup ou provoquait chez lui une réaction vive et sa félicité se transformait vite en déception et désespoir. Vint un temps où le roi en eut finalement assez de lui et de la vie. Il commença à se mettre en quête d’un moyen de s’en sortir. Il envoya quérir un sage qui vivait dans son royaume et que l’on disait illuminé. Lorsque le sage arriva à la cour, le roi lui dit :
– « Je veux être comme toi. Peux-tu me donner quelque chose qui m’apportera l’équilibre, la sérénité et la sagesse ? Je suis prêt à payer n’importe quel prix. »
Le sage répondit ainsi au roi :
– « Je peux peut-être vous aider. Mais le prix à payer est si grand que votre royaume tout entier ne suffirait pas. Par conséquent, ce sera un cadeau que je vous ferai, si vous voulez bien l’honorer. »
Le roi lui donna sa parole et le sage partit.
Quelques semaines plus tard, le vieux sage revint et tendit un coffret en jade sculpté au roi. Après avoir ouvert le coffret, le roi y trouva un simple anneau d’or. A l’intérieur de l’anneau, il y avait une inscription, qui disait : « Cela aussi passera. »
– « Quelle est la signification de cette inscription ? » demanda le roi.
– « Portez cet anneau en tout temps, lui répondit le sage. Quoi qu’il arrive, avant de qualifier les choses de bonnes ou de mauvaises, touchez l’anneau et lisez-en l’inscription. Ainsi vous serez toujours en paix. »
(Tolle 2018 : 221-222)
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Ce conte participe du triptyque de contes éclairant, selon Eckhart Tolle, « les trois aspects fondamentaux de la liberté véritable et de l’illumination authentique » (Tolle 2018 : 222), à savoir la non-résistance (voir Le moine face à l’adversité), le non-jugement (voir Le vieil homme et le cheval) et le non-attachement.
En substance, et même si vous étiquetez ce qui vous arrive comme un échec, ce dernier ne durera pas, car tout passe. Ainsi, selon Eckhart Tolle, « l’histoire du roi […] souligne l’impermanence qui, lorsqu’elle est reconnue, conduit au non-attachement » (Tolle 2018 : 222).
Et ce non-attachement ne vaut pas que pour les situations vécues comme désespérées. Il vaut tout autant pour les moments perçus comme magiques. Car rien ne dure… Mais cela n’est pas synonyme de détachement, d’insensibilité, au contraire :
Être détaché ne signifie pas que vous ne pouvez pas apprécier les bontés que le monde vous offre. En fait, vous les appréciez davantage. Une fois que vous constatez et acceptez la nature transitoire de toutes les choses, ainsi que l’inévitable changement, vous pouvez apprécier les plaisirs de la vie pendant qu’ils durent, sans peur ni anxiété. Quand vous êtes détaché, cette position de recul vous permet de mettre les événements en perspective au lieu d’y être complétement plongé. Vous devenez comme l’astronaute qui voit la planète Terre entourée par la vastitude de l’espace et qui réalise une vérité paradoxale : la Terre est précieuse et en même temps insignifiante. (Tolle 2018 : 223)
Ce qui est vrai des événements de la vie l’est donc aussi des relations humaines ou des biens matériels. Ainsi, l’argent n’est ni bien ni mal; il faudrait juste s’en détacher :
– Alors pourquoi m’aidez-vous à être plus à l’aise avec l’argent ?
– Parce qu’il faudra peut-être que vous parveniez à en gagner avant de pouvoir vous en détacher.
– Et si j’étais justement déjà détaché ?
Après un court silence, il me dit :
– Ce n’est pas un détachement, c’est un renoncement. (Gounelle 2008 : 135-136)
Dans ces propos, il n’y a pas ni jugement quant à l’argent, ni jugement quant à l’objectif d’en gagner : « […] Gagner de l’argent est un objectif valable, et cela correspond à l’une des phases de l’existence. Il faut juste éviter de s’y enliser, et savoir ensuite évoluer vers autre chose pour réussir sa vie » (Gounelle 2008 : 136).
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