Qui a piqué mon fromage ?

Références:
Johnson, Spencer
Qui a piqué mon fromage ? Comment s’adapter au changement au travail, en famille et en amour
Michel Lafon
2000
Résumé
Qui a piqué mon fromage ?, c’est en quelques mots l’histoire métaphorique de quatre personnages, deux souris (Flair et Flèche) et deux minigus (Polochon et Baluchon), vivant dans un labyrinthe et profitant chaque jour du plaisir de manger du fromage entreposé dans une gare. Et un jour, le fromage disparaît…
Le labyrinthe représente le monde, avec sa part d’incertitudes, d’angles morts, d’imprévisibilité, de forces contraires, dans lequel nous évoluons, et le fromage, ce que nous désirons, ce qui ferait notre bonheur, la condition sine qua non de notre bien-être, à la fois en termes de santé, de couple, de famille, de travail, d’épanouissement personnel ou encore de prospérité : « Quelle que soit l’approche que nous privilégions, nous visons tous au même but : trouver notre chemin dans le labyrinthe, et sortir la tête haute des périodes de changement » (2000 : 11).
C’est dans ce décor de fable qu’on nous présente les quatre personnages comme caractéristiques des quatre traits de caractères que l’on peut présenter face au changement, ici symbolisé par la disparition du fromage. On pourrait dire que :
– Flair décèle les changements dès leurs premières manifestations et, ne mettant pas la tête dans le sable, peut anticiper.
– Flèche ne réfléchit pas trop, mais si on lui donne une direction, il fonce.
– Baluchon sait apprendre du changement et s’adapter, prudent mais convaincu que le changement peut être synonyme de mieux.
– Polochon s’enferme dans le déni et la victimisation ; il redoute et rejette le changement, craignant qu’il ne lui cause du tort.
La grande différence entre les deux souris et les deux minigus résiderait dans leur fonctionnement ; alors que les deux souris procèderaient plutôt de manière instinctive, les deux minigus, au cerveau plus développé, seraient guidés par leurs croyances et leurs émotions.
Ainsi, face au changement, nous serions un mélange plus ou moins inégal de ces quatre caractères, tantôt résistants, tantôt hésitants, tantôt se mettant la tête dans le sable, tantôt passant à l’action tête baissée, tantôt s’inscrivant dans l’anticipation, tantôt favorisant la proactivité, etc. À charge à chacun de choisir auquel de ces quatre caractères il souhaiterait ressembler lors du prochain changement.
Cette cantine est ainsi un hymne à l’impermanence et donc aux nécessaires aptitudes d’adaptation et de résilience dont il faut savoir faire preuve face au changement, changement présenté comme positif pour autant que l’on ait la bonne réaction en son regard : « […] Voir le changement non plus comme une menace, mais comme une chance » (2000 : 23). À noter qu’une suite, Out of the maze, ouvrage uniquement en anglais, présente de manière tout aussi allégorique comment sortir de cet apparent labyrinthe.
Au début de l’histoire, les quatre personnages ayant trouvé une inépuisable réserve de fromage, s’y installent et profitent quotidiennement de ce paradis : « Rapidement, ils y trouvèrent leurs marques et une routine fort agréable s’installa » (2000 : 29). Mais alors que Flair et Flèche, disciplinées, continent à se lever ponctuellement et gardent leurs chaussures à portée de main, Polochon et Baluchon commencent à faire la grasse matinée, à prendre leur aise ; ils remisent leurs baskets. Pire encore, les minigus, satisfaits, prennent peu à peu les traits de parvenus empreints d’arrogance.
Or, voilà qu’un jour au petit matin, les deux souris découvrent une gare vide : le fromage a disparu. Comme elles s’étaient préparées à l’inévitable, elles remettent immédiatement leurs baskets et se lancent dans la recherche d’une nouvelle gare. À l’inverse, les deux minigus, qui arrivent bien plus tard, n’y croient pas leurs yeux. N’ayant prêté aucune attention aux signes annonciateurs, ils ne s’y étaient pas préparés ; ils endossent très vite des réactions assez fréquentes face au changement : alors que Polochon trouve la situation injuste et hurle pour qu’on lui rende son fromage, Baluchon reste incrédule, comme médusé face au spectacle de la gare vide et de son ami vociférant.
« Plus tu t’attaches au fromage et plus tu cherches à le retenir. » (2000 : 38)
« Plus vite tu oublieras le vieux fromage, plus tôt tu en trouveras du nouveau. » (2000 : 66)
Bien qu’ils se rendent rapidement compte que les deux souris ont disparu, Polochon continue à se plaindre et Baluchon à se sentir démuni, résistant chacun à sa manière au changement. Frustrés, contrariés, ils commencent même à se rejeter la faute l’un sur l’autre. Plus encore, la peur de l’inconnu et la peur de l’échec les emprisonnent dans cette gare, le ventre vide et la vie insupportable. Ils s’entêtent même à percer le mur, mais doivent constater qu’il y a une différence entre activité (stérile) et productivité.
« Que ferais-tu si tu n’avais pas peur ? » (2000 : 52)
« Quand tu parviens à surmonter ta peur, tu te sens libre. » (2000 : 62)
« Certes, la peur a parfois du bon, notamment lorsqu’elle nous préserve du danger. Mais Baluchon se rendait compte que la plupart de ses angoisses étaient irrationnelles et l’avaient empêché de procéder rapidement aux ajustements nécessaires. » (2000 : 78)
Baluchon commence à réaliser l’absurdité de la situation et se met à en rire. Bien que craignant s’engager à nouveau dans le labyrinthe, il finit par s’y résoudre et commence à visualiser ce qu’il pourrait découvrir en parcourant le labyrinthe : une nouvelle réserve de fromage.
« Avant même de l’avoir trouvé, je m’imagine avec mon nouveau fromage, et cette image me mène droit à lui. » (2000 : 64)
Face à la résistance de Polochon, Baluchon lui fait remarquer que « la vie n’est qu’une succession de changements. Parfois ces changements sont temporaires, et parfois ils sont irréversibles » (2000 : 48). Et s’ils avaient été plus attentifs, ils auraient pu remarquer les signes avant-coureurs :
« Renifle régulièrement le fromage et tu sauras quand il a fait son temps. » (2000 : 56)
Convaincu qu’il doit se lancer à l’aventure, Baluchon quitte Polochon à contre-cœur, comprenant qu’il doit « reprendre son destin en main, plutôt que de subir les choses » (2000 : 54).
« Qui refuse le changement creuse sa propre tombe. » (2000 : 50)
Il se lance ainsi à la recherche d’une nouvelle réserve de fromage. Ses recherches restent longtemps infructueuses, augmentant ses craintes et consommant ses forces. Il écrit sur un mur :
« En prenant une nouvelle direction, tu augmenteras tes chances de trouver le nouveau fromage. » (2000 : 60)
Puis, il se remet en route à la recherche de fromage ; il en trouve ici ou là quelques miettes, mais rien qui puisse subvenir durablement à ses besoins. Face à une galerie plutôt lugubre, il hésite même à s’y engager. Puis, il se met à rire de ses peurs (auto-dérision), comprenant qu’il doit « avoir confiance en l’avenir, même si l’on ne peut jamais savoir de quoi demain sera fait » (2000 : 61).
Et ce périple lui fait finalement du bien, prenant conscience que « le bonheur ne tenait pas seulement à ce qu’il possédait » (2000 : 67), qu’il pouvait trouver du plaisir à explorer le labyrinthe, que le fait de dépasser ses peurs lui procurait en sentiment de liberté inégalable, car « la peur qu’on laisse s’installer et toujours pire que la réalité des choses » (2000 : 69) :
« Il est moins dangereux d’explorer le labyrinthe que de rester sans fromage. » (2000 : 68)
Avant tout, il réalise que ses pensées limitantes, ses veilles croyances, le limitaient dans ses comportements et ses attitudes : « En changeant les croyances ancrées en soi, on changeait forcément d’attitude » (2000 : 71) :
« Ce n’est pas avec de vieilles certitudes qu’on trouve le nouveau fromage. » (2000 : 70)
Trouvant ici ou là du fromage qui lui permet d’avancer, il comprend qu’il doit poursuivre son chemin, sans nécessairement être à la recherche du graal du fromage, car le changement sera partout, et en tout temps, il aura à l’avenir à se préparer au changement :
« En décelant très tôt les premiers signes de changements, tu sauras mieux faire face aux grands changements à venir. » (2000 : 74)
Baluchon réalise aussi que la capacité à rechercher du fromage est plus importante que le fromage lui-même :
« Quand on se découvre capable de trouver et d’apprécier le nouveau fromage, on ne voit plus les choses de la même façon. » (2000 : 72)
C’est fort de ces résolutions qu’il finit par découvrir sur une énorme réserve de fromage. Cette fois-ci, il prend cependant garde à ne pas considérer cette aubaine comme définitive et, tout en appréciant cette nouvelle gare, reste prêt à repartir et garde ses chaussures à proximité. Plus encore, il décide de s’aventurer régulièrement hors de cette nouvelle gare, afin de porter un regard affuté sur les opportunités à venir et d’entretenir les bons réflexes.
Devant cette montagne de fromage aux saveurs insoupçonnées, Baluchon se remémore les erreurs qu’il a commises précédemment :
« – Il faut toujours prendre soin de simplifier les enjeux, de faire preuve de souplesse, et de réagir vite.
– Il ne sert à rien de monter les problèmes en épingle ni de remplir l’esprit de peurs infondées.
– En sachant déceler les signes annonciateurs de changement, on se prépare d’autant mieux à d’éventuels bouleversements. » (2000 : 77)
Enfin, il veille à ne pas être grisé par ce nouveau confort et à ne pas considérer cette nouvelle réserve comme acquise, inépuisable et définitive.
Cette histoire se clôt sur un résumé des leçons à retenir :
« Le changement est inévitable.
Le fromage change sans cesse de place.
Prépare-toi au changement.
Attends-toi à ce que le fromage disparaisse.
Anticipe le changement.
Renifle régulièrement le fromage pour savoir quand il devient trop vieux.
Adapte-toi rapidement.
Plus vite tu oublieras le vieux fromage, plus tôt tu en trouveras du nouveau.
Change.
Bouge avec le fromage.
Profite du changement !
Prends goût à l’aventure et découvre la saveur du nouveau fromage.
Sois toujours prêt à repartir pour profiter pleinement de la vie.
Le fromage change toujours de place. » (2000 : 80)
On l’aura compris, cet ouvrage ne vise pas à modéliser le changement, comme c’est par exemple le cas d’Alerte sur la banquise, mais se focalise sur les bonnes réactions, attitudes personnelles, à cultiver face aux changements :
« Il était bien obligé d’admettre que le plus gros obstacle au changement se trouvait en chacun, et que les choses ne pouvaient s’améliorer que lorsqu’on changeait soi-même. » (2000 : 78)
Dans le labyrinthe de la vie, le fromage (santé, couple, famille, travail, épanouissement personnel, prospérité…) peut en tout temps changer, diminuer, disparaître… Pour se préparer au changement, il s’agirait donc à la fois d’accepter le changement, de garder ses chaussures d’explorateur à portée de main, d’anticiper les évolutions et d’y prendre du plaisir. Voici quelques exemples :
Fromage |
Chaussures |
Sentir le fromage |
Ce qui participe à notre bien-être… | Entretenir sa capacité à explorer ; se préparer au changement… | Être attentif aux signes avant-coureurs ; anticiper les changements… |
Santé | Routine sportive Alimentation Accepter (son âge ; sa santé…) … |
Signaux communiqués par le corps (douleurs, chronicités…) Surpoids, taux de cholestérol ou encore hypertension … |
Couple (conjoint.e) | Cultiver les souvenirs Maintenir de son « Sex-appeal » Maintenir un réseau social Dialoguer Être à l’écoute Avoir des projets … |
Moments de partage de moins en moins fréquents Distance qui se crée presque naturellement Centres d’intérêt qui s’éloignent … |
Famille | Se préparer à la prise d’envol des enfants. Cultiver la tolérance. Tenir compte des besoins. Dialoguer Être à l’écoute … |
Ne pas prendre le temps de soigner les relations Ne pas être disponible … |
Travail | Maintenir à jour son CV, l’enrichir Développer son réseau Tester des postulations Explorer d’autres secteurs … |
Baisse des ventes Changement des habitudes de consommation Évolutions technologiques Ambiance dégradée … |
Épanouissement personnel | Lire Méditation Prendre du temps personnel pour réfléchir à ses valeurs Voyager … |
Sentiment de manque d’intégrité Tristesse Désenchantement … |
Prospérité | Diversifier ses investissements Faire des réserves Maintenir un niveau de vie inférieur à son revenu Faire preuve d’humilité … |
S’endetter Mauvais investissements … |
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