Le vieux sage et le marchand
Il était une fois un sage assis à la porte d’une petite bourgade.
Un jeune étranger s’approcha et lui demanda :
– Je ne suis pas d’ici et je viens de loin ; dites-moi, vieil homme, comment sont les habitants de cette ville ?
Plutôt que de lui répondre, le sage lui retourna la question :
– Comment sont les habitants de la ville d’où vous venez ?
Le jeune homme lui répondit avec acrimonie :
– Égoïstes et méchants, au point qu’il m’était impossible de les supporter plus longtemps ! C’est d’ailleurs la raison de mon départ.
Alors, le sage lui dit :
– Mon pauvre, je vous conseille de passer votre chemin… Vous trouverez ici le même genre d’habitants…
Quelque temps plus tard, un autre jeune homme s’approcha du sage et lui posa la même question. Ce dernier lui répondit là aussi par une question :
– Dites-moi, d’abord, comment sont les habitants de la ville d’où vous venez ?
Le jeune homme répondit sereinement :
– Bons, honnêtes et accueillants. J’y avais de bons amis et j’ai eu du mal à les quitter.
Alors, le vieil homme lui répondit :
– Mon cher, je vous conseille de séjourner quelques temps dans nos murs… Vous y trouverez le même genre d’habitants…
Un marchand, qui tenait son étal non loin de là, avait tout entendu des deux conversations. Dès que le deuxième jeune homme se fut éloigné, il s’adressa au vieil homme :
– Comment pouvez-vous donner deux réponses aussi différentes à une même question ?
Et le sage lui répondit :
– Chacun porte en son cœur son propre univers. Et il le retrouvera en tous lieux. Les personnes que l’on rencontre sont le reflet de qui nous sommes et de notre propre manière de voir le monde qui nous entoure. Ouvrez votre cœur et votre regard sur les autres et le monde sera changé.
Auteur inconnu
Commentaire
Ce conte complète l’histoire de l’éléphant enchaîné à ses pensées limitantes; il illustre ainsi la manière dont un changement d’univers peut opérer, par exemple à travers la proactivité.
Car la prison dont il est le plus difficile de s’évader est celle de son propre esprit : « […] Chacun porte son univers dans son cœur » (Lenoir 2012 : 81). L’humain voit assez naturellement le monde à travers le prisme de ses propres expériences, de son histoire, de son éducation, de sa physiologie, de ses perceptions, de ses émotions, de ses peurs, de ses blessures, de ses jugements et de ses croyances. Ces pensées limitantes conditionnent le rapport aux autres et à l’environnement : « La vie se charge de transformer nos angoisses fantasmatiques en réalité. Les peureux se font tourmenter, les gens qui craignent de ne pas être à la hauteur échouent, ceux qui ont peur d’être rejetés finissent par l’être » (Gounelle 2014 : 81). Or, en vérité, ni les événements, ni les personnes, ne sont la cause de ses souffrances et de son malheur : « […] L’obstacle au bonheur n’est pas la réalité, mais la représentation que nous avons de cette dernière » (Lenoir 2018 : 39-40). On retrouve ainsi la philosophie d’Épictète : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses » (Épictète, Manuel, V, p. 185); en d’autres termes, ce ne sont pas les événements qui sont stressants, mais le regard qu’on porte sur ces événements.
Prendre conscience de ces pensées limitantes et déformantes est une étape clé pour changer d’univers. Il s’agit alors de changer de point de vue (ou d’altitude), de prendre un peu de recul sur sa manière de réagir et ses habitudes réflexes : choisir ainsi de renforcer ou non ses pensées limitantes est une seconde étape. Spencer Johnson résume assez clairement la morale de cette histoire : « A Valley is a time when you long for what is missing […] And a Peak is the time when you appreciate what you have [Une vallée est une période où vous aspirez à ce qui vous manque […] Et un sommet est une période où vous appréciez ce que vous avez] » (Johnson 2009 : 87).
Poser un regard neuf, dénué de jugements, sur un événement ou une personne, ouvre le champ des possibles.
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