Deux grenouilles dans un puits

par | Sep 20, 2021 | 0 commentaires

« Il était une fois une grenouille qui vivait dans un puits. Elle y habitait depuis fort longtemps. Elle y était née et elle y avait été élevée. C’était une toute petite grenouille. Or un jour, une grenouille qui avait vécu au bord de la mer vint à tomber dans ce puits. L’habitante du puits interrogea la nouvelle-venue :
– D’où viens-tu ?
– Je viens de la mer, répliqua l’autre.
– La mer ? Est-elle grande ?
– Oh oui ! Elle est très grande, dit la visiteuse.
– Vraiment ? La mer est-elle plus grande que cela ? demanda la petite grenouille en étendant ses jambes.
– Beaucoup plus grand encore.
– Serait-elle donc aussi grande que mon puits ?
– Comment peux-tu, ma chère amie, comparer la mer à ton puits ?
– Non, il ne peut exister de plus grand que mon puits. Cette gaillarde-là ment. Et il faut l’expulser d’ici ! s’écria la petite grenouille. »

(Ramkrishna 2021 : 233-234)

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Ce conte, qui évoque les pensées limitantes, n’est pas sans rappeler la métaphore du cygne noir, qui témoigne de la fragilité des systèmes de pensée. En 1697, des explorateurs néerlandais menés par Willem de Vlamingh furent les premiers Européens à découvrir des cygnes noirs, en Australie Occidentale, mettant un terme à la croyance ancestrale selon laquelle les cygnes (adultes) sont blancs.
Il rappelle plus encore le sort de Galilée, incarcéré pour avoir osé remettre en question du géocentrisme (théorie faisant de la terre le centre de l’univers) : il aurait pu, comme le serviteur qui parla d’eau sous la forme de glace à son roi africain, être décapité.

Or, tout un chacun fait régulièrement l’expérience de cette limitation de sa propre vision face à des entités pas ou peu familières (jugement d’autres religions; jugement d’autres pays, jugement d’autres cultures, jugements d’autres sociétés, jugement d’autres sports…). Et finalement, combien de fois a-t-on dit : « J’ai toujours fait comme ça ».

Ce conte se retrouve sous une forme semblable chez Walpola Rahula, pour exprimer l’absence de réalité et du vérité absolue d’une part, la limitation et la relativité de notre connaissance d’autre part :

« La tortue dit à son ami le poisson qu’elle était revenue dans le lac après voir fait une promenade sur la terre ferme. “Bien entendu, dit le poisson, vous voulez dire que vous y avez nagé”. La tortue essaya d’expliquer qu’on ne peut pas nager sur la terre, qu’elle est solide et qu’il faut marcher. Mais le poisson insatisfait affirmait qu’il ne pouvait pas y avoir rien de pareil, que c’était forcément liquide comme un lac, qu’il devait y avoir des vagues et qu’on devait pouvoir y plonger et nager. » (Rahula 1961 : 57-58)

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