Histoires de rien

par | Oct 24, 2021 | 0 commentaires

La légende du colibri

« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre.
Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu.
Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit :
– Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ?
– Je sais, répond le colibri, mais je fais ma part ».

La légende veut que les autres animaux de la forêt, admiratifs par tant de bravoure, se mirent eux aussi à tenter de circonscrire le feu…

Légende amérindienne popularisée par Pierre Rabhi (2018 : 10)

***

L’inconnu et l’étoile de mer

« Cet homme cheminait, le front bas, sur la plage, le long de l’océan. De temps en temps il se penchait, il ramassait au bord des vagues, sur le sable, on ne savait quoi et le jetait au loin dans l’eau. Un promeneur qui l’observait vint à lui, il le salua, puis :
– Que faites-vous ? lui dit-il.
– Vous le voyez, répondit l’autre, je rends à l’océan des étoiles de mer. La marée les a amenées, elles sont restées là, sur le sable, et je dois les remettre à l’eau, sinon c’est sûr, elles vont mourir.
Le promeneur, surpris, lui dit :
– Des étoiles de mer, rien que sur cette plage, il y en a des milliers. Et le long des côtes du monde, combien de millions de ces bêtes, que vous ne pouvez pas sauver, s’échouent tous les jours sur le sable ? Mourir ainsi et leur destin, et vous n’y pouvez rien changer.
L’homme ramassa une étoile, la tint un instant dans la main.
– Oui, sans doute, murmura-t-il.
Et la rejetant sur les vagues :
– Mais pour elle, ça change tout. »

(Gougaud 2013 : 8-9)
Gougaud, Henri, 2006 : L’almanach, Panama, page du 11 novembre.

***

Le poids de rien

« Une mésange interroge une colombe :
– Sais-tu ce que pèse un flocon de neige ?
– Rien d’autre que rien…, répond la colombe.
Alors, la mésange raconte un souvenir :
– Un jour, j’étais perchée sur la branche d’un sapin lorsque la neige s’est mise à tomber, à tomber. Ce n’était pas une tempête, oh non, mais une chute progressive, lente et majestueuse. Les flocons se posaient sur ma branche : on aurait dit un rêve blanc.
Je me suis amusée à les compter ! Il en est tombé 3 751 952. Au moment où le 3 751 953ème s’est posé, rien d’autre que rien, comme tu dis, la branche a cassé…
Sur ce, la mésange s’envole. Restée seule, la colombe, bien perplexe, se met à réfléchir. Depuis la nuit des temps, elle ne pense qu’à la paix, la paix dont elle était devenue le symbole… Hochant la tête, elle se dit alors :
– Il ne manque peut-être qu’une personne pour que tout bascule et que le monde vive en paix… »

(Cornette de Saint Cyr 2016 : 124-125)

Commentaires

Ces trois histoires évoquent, chacune à leur manière, comment une action anodine, voire insignifiante, peut finalement avoir un impact considérable :

– soit parce qu’elle peut inspirer des foules par la détermination et le courage qu’elle inspire, à l’instar du colibri, ou de leaders comme Gandhi (« Sois le changement que tu veux voir dans le monde »), Martin Luther King, Nelson Mandela… ;
– soit parce qu’elle peut être insignifiante globalement, mais essentielle individuellement, à l’instar des étoiles de mer, ou de Jonathan, dans Le jour où j’ai appris à vivre, qui décide de se vouer à l’altruisme. Car, finalement, « helping one person might not change the world, but it could change the world for one person [aider une personne ne va pas changer le monde, mais cela pourrait changer le monde pour cette personne] » (anonyme) ;
– soit encore parce qu’elle peut devenir, par addition, déterminante (sans compter qu’une cause infime peut avoir de grands effets…), comme a pu l’être la ténacité du facteur Cheval (qui construisit le Palais idéal entre 1879 à 1912 en ramassant des cailloux sur le chemin de ses tournées) ou celle de Jean-Dominique Bauby (qui écrivit son autobiographie à l’aide de sa paupière gauche). L’accumulation n’est cependant pas une vertu en soi : entre 2004 et 2014, le jeu communautaire en ligne World Of Warcraft, en mettant bout à bout toutes les heures que des joueurs y ont consacrées, avait comptabilisé sept millions d’années…

Ces histoires sont un point de départ symbolique pour imaginer comment chacun, à sa manière, peut contribuer à changer le monde : « Hier, j’étais intelligent et je voulais changer le monde. Aujourd’hui, je suis sage et je me change moi-même » (Jalal Al-Din Rûmi).
À titre d’exemple, si le réchauffement climatique peut être perçu comme une tragédie ayant atteint un point de non-retour, être en « résistance » (se lamenter et critiquer les « responsables » : consommateurs compulsifs d’une société de surconsommation, automobilistes, industriels, états…) ne peut mener qu’au découragement. À l’inverse, en accueillant cette réalité, à l’instar du colibri, on peut se demander ce qui est en son propre pouvoir, à partir de sa modeste place : « Mieux vaut allumer sa petite bougie que maudire les ténèbres » Gounelle 2014 : 97).

« Un héros, c’est celui qui fait ce qu’il peut » (Romain Rolland cité par de Saint Cyr 2016 : 79)

« Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit pour changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique, et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir. », Dalaï Lama

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partager