Le sage et le guerrier
« Un vieux sage est assis sur le bord de la route, les yeux fermés, les jambes croisées, les mains sur les genoux. Soudain, sa méditation est interrompue par la voix puissante et agressive d’un guerrier.
– Vieil homme ! Dis-moi à quoi ressemblent le paradis et l’enfer.
Le sage ne manifeste d’abord aucune réaction. Puis, peu à peu, il ouvre les yeux et esquisse un sourire, face au guerrier planté devant lui, de plus en plus impatient et agité.
– Tu désires connaître les secrets du paradis et de l’enfer ? Toi, avec ton allure misérable, avec tes bottes et tes vêtements boueux ? Avec tes cheveux hirsutes, ton haleine fétide, ton épée rouillée ? Toi qui es si laid, tu oses me demander de te parler du paradis et de l’enfer ?
Ivre de colère, le guerrier jure méchamment, sort son épée et la lève au-dessus de la tête du vieil homme. Son visage est cramoisi, les veines de son cou sont gonflées par la haine, alors qu’il s’apprête à trancher la tête du sage.
– Cela, c’est l’enfer, lui dit doucement le vieil homme.
Le guerrier arrête net son geste et reste bouche bée de stupéfaction, de respect, de compassion, devant cet homme qui a risqué sa vie pour lui prodiguer cet enseignement. Ses yeux sont remplis de larmes d’amour et de gratitude.
– Et cela, c’est le paradis !, conclut le stage. »
(Lenoir 2012 : 127)
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Dans L’âme du monde, Frédéric Lenoir illustre par ce conte son chapitre intitulé « le bonheur et le malheur sont en soi ». Il invite ainsi à accepter le réel en relativisant le monde tel qu’il est perçu à travers le prisme de ses propres croyances : « Dans chaque être et chaque instant, heureux ou douloureux, facile ou difficile, nous ne voyons jamais que notre seule image » (2012 : 122), le bonheur est le malheur étant à l’intérieur de soi. L’obstacle au bonheur serait donc moins la réalité que la représentation que nous en avons.
Et cette histoire n’interroge pas seulement la manière de traduire les événements extérieurs, mais, à l’image du conte des deux loups, éclaire également la manière de nourrir ses propres pensées.
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