La tristesse de Gaïa

Références:
Rabhi, Pierre
La tristesse de Gaïa : de l’effondrement à l’émerveillement
Actes Sud
2021
Résumé
Ce Manifeste dénonce le désastre écologique de Gaïa (la planète Terre). Feu Pierre Rabhi (décédé fin décembre 2021), dans un ouvrage peu structuré et parfois déroutant, dont on peine à suivre le fil malgré les courts chapitres qui s’enchaînent, dresse cependant un tableau catastrophique de la situation écologique, où il évoque pêle-mêle :
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- La pollution, qui mène inéluctablement à une catastrophe écologique majeure : « 70 % des espèces sauvages disparues au cours des cinquante dernières années, diminution de 80 % de la masse des mammifères terrestres, 75 % des sols et 40 % des milieux marins dégradés avec un impact direct sur l’avenir alimentaire de milliards d’êtres humains » (2021 : 14-15) ; « Certains chercheurs affirment que plus de deux tiers des décès humains sont issus de pathologies causées par la pollution, le stress et une alimentation frelatée » (2021 : 63).
- La dilapidation des ressources par des nantis égoïstes, laissant affamée une grande partie de la population : « […] Un cinquième de la population humaine consomme les quatre cinquièmes des ressources nécessaires à la totalité des Terriens […] » (2021 : 46) ; « Ce qui domine nos organisations n’est pas la sagesse, ni la connexion profonde avec le vivant, ni même la raison ou la connaissance, mais bien la compulsion de jouir et posséder sans nous soucier ni du voisin ni du lendemain » (2021 : 54).
- La surexploitation et la surconsommation : « Nous devons cesser de mystifier les populations avec des publicités laissant à penser que le bonheur s’achète » (2021 : 69) ; « Suralimenter matériellement et affamer spirituellement est la tendance qui caractérise nos sociétés […] » (2021 : 70).
- L’idéologie technoscientifique, soutenue par la cupidité de la finance, qui, grâce à la chimère du mythe de la croissance, rend possible l’éradication de l’humain par l’humain : « Nous avons misé sur l’éphémère plutôt que sur le caractère durable, renouvelable et prospère de la nature » (2021 : 60).
- Le mythe de la croissance, poussant inexorablement à des formes aussi diverses qu’absurdes d’obsolescence programmée ou encore à la course à l’armement, nourrissant des économies improductives et polluantes destinées à la destruction : « Les budgets internationaux consacrés aux meurtres sont abyssaux (1760 milliards d’euros de dépenses militaires mondiales en 2019) et changeraient la face du monde s’ils étaient consacrés au bien-être de l’humanité et à la sauvegarde des écosystèmes » (2021 : 19-20).
- L’inaptitude des organisations modernes (dirigeants politiques en premier chef) d’engager des mesures urgentes et nécessaires pour sauver ne serait-ce que l’espèce humaine : « Aujourd’hui encore, je pense que la machine politique n’est pas la plus adaptée au changement espéré » (2021 :18) ; « La plupart des politiques, croyances et religions divisent et créent de l’antagonisme » (2021 : 53).
- L’abrutissement et la manipulation des masses par la surinformation, l’hyper-connectivité à l’artificiel et la toute-puissance des écrans : « Jamais nous n’aurons passé autant de temps en compagnie d’objets, à les caresser, les effleurer, les prendre en main, les porter contre nous, tout en leur offrant une attention de nature quasi hypnotique » (2021 : 28).
Face à ce misérable tableau, l’auteur s’interroge : « Alors comment construire le futur sur d’autres critères que la finance, la cupidité, la destruction, le pillage de la planète ? » (2021 : 54). Pour l’auteur, inutile d’attendre qu’une découverte technoscientifique ou une politique mondiale coordonnée apporte une réponse : « Je ne crois pas qu’il faille continuer d’attendre du politique ou du prospectiviste les grandes réformes salvatrices nous permettant d’offrir aux générations à venir les clés de leur futur » (2021 : 58). Le monde, de plus en plus interconnecté et hyper-connecté, serait de plus en plus déconnecté de la nature et du vivant ; anthropocentré, l’humain aurait oublié que sa place est dans la nature, dont il fait partie, faisant finalement de l’homme la plus grande catastrophe écologique. Dès lors, « il nous faudra “changer pour ne pas disparaître” » (2021 : 81).
L’auteur propose alors un remède simple, mais urgent :
« Je ne prétends évidemment pas donner de leçon, mais simplement affirmer, avec humilité, réalisme et détermination active, qu’une autre logique d’existence plus joyeuse n’est pas seulement possible mais impérative, avec pour condition de reconnaître les lois de la vie à laquelle nous appartenons. » (2021 : 11)
L’auteur de Vers une sobriété heureuse et de La puissance de la modération prône sans ambages une nécessaire décroissance, sans que cela signifie, pour lui, de vivre plus mal. Au contraire, en se reconnectant au vivant, en vivant de manière plus simple, on retrouverait au contraire une forme de sérénité perdue : « Modérer ses consommations ne signifie en aucun cas perdre en qualité de vie » (2021 : 66).
La sobriété et la décroissance deviennent alors un combat, car elles s’opposent assez naturellement à l’idéologie de la croissance et du toujours plus, remplaçant le toujours plus par le toujours mieux :
« J’ai la conviction que nous gagnerions en qualité de vie à perdre moins de temps dans le superflu dont les décharges publiques débordent pour passer plus de temps à vivre, simplement pour que d’autres puissent simplement vivre. De l’ouvrier à l’homme d’affaires, nous renonçons à vivre notre liberté pour gagner de l’argent. » (2021 : 66)
Reconnexion et réconciliation avec la nature, sobriété et enfin élévation et convergence des consciences sont les remèdes simples proposés par Pierre Rabhi : « Ces propositions alternatives [projets en Afrique et en France], qui sortaient du modèle dominant pour aller vers une autre perspective, reposaient sur les notions de regroupement, de coopération, de solidarité et d’interactions. Le but était de réhabiliter les écosystèmes, de partager et redistribuer les ressources, dans la reconquête d’un mode de vie socio-économique relocalisé » (2021 : 52-53).
Pétri de pragmatisme et s’inspirant de la nature, tout comme Gunter Pauli, auteur de Soyons aussi intelligents que la nature !, Pierre Rabhi dit ne rien attendre du politique et privilégie au contraire une politique des petits pas individuels ou collectifs, à l’image du colibri.
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