Les vertus de l’échec

par | Sep 24, 2022 | 0 commentaires

Références:

Pépin, Charles

Les vertus de l’échec

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2016

Résumé

Dans cet ouvrage au titre évocateur, l’auteur fait l’inventaire des aspects vertueux de l’échec, comme autant d’axes de résilience : développer sa combativité, donner un élan à son changement, aller vers une plus grande humilité… : « Il y a les échecs qui nous rendent plus combatifs, ceux qui nous rendent plus sages, et puis il y a ceux qui nous rendent simplement disponibles pour autre chose » (2016 : 9).
Pour exemplifier ses propos, Charles Pépin présente au fil des pages une série de personnalités (Charles de Gaulle, Steve Jobs, Roger Federer, Thomas Edison, Barbara, parmi d’autres), qui ont connu l’échec avant de connaître la réussite, témoins des vertus de l’échec : « Ils ont échoué avant de réussir. Mieux : c’est parce qu’ils ont échoué qu’ils ont réussi » (2016 : 7). Cinq vertus semblent ainsi ressortir de ces pages.

1ère vertu : une occasion d’apprendre
Le succès est agréable, mais l’échec est formateur ; on peut perdre une bataille, mais pas la guerre… ; une victoire est bonne leçon pour l’ego, une défaite est bonne leçon pour l’apprentissage. Derrière ces préceptes, Charles Pépin pointe une différence importante entre la culture anglo-saxonne (« fail fast, learn fast »), où l’échec précoce et rapide est considéré comme une opportunité d’apprentissage, là où la culture française y voit le signe d’une incapacité : « Avoir échoué, en France, c’est être coupable. Aux États-Unis, c’est être audacieux » (2016 : 21). À tel point que dans la Silicon Valley, des conférences sont organisées sur l’échec : les failcon (2016 : 76).
Et c’est sans compter les « heureux accidents », le concept de sérendipité (capacité à faire par hasard une découverte inattendue et à y voir l’utilité), comme la création de la tarte Tatin ou du Viagra (2016 : 87), où l’invention résulte d’un échec…
Outre d’acquérir de l’expérience (pour autant qu’on ne reproduise pas les mêmes erreurs : « L’erreur est humaine, la reproduire est diabolique » de Saint Augustin, 2016 : 29) et de créer par l’erreur (sérendipité), trois autres formes d’apprentissage peuvent être retenues.
D’abord, le premier apprentissage d’un échec, c’est peut-être qu’on sait ensuite qu’on peut s’en relever : plus tôt on l’expérimente, mieux c’est, pour autant qu’on en tire une leçon…
Ensuite, des petits défis offrent la possibilité de s’exercer, de développer peu à peu sa résilience.
Enfin, l’environnement gagnerait à privilégier une culture de l’essai, plutôt que celle de l’erreur, ou pire, de la tolérance 0 à l’erreur. Car cette dernière bride toute créativité.
Et les quatre autres vertus découlent de celle-ci : que pouvons-nous tirer de bon d’une crise ?

2ème vertu : une opportunité pour changer
« Trop souvent, nous voyons l’échec comme une porte qui se ferme. Et si c’était aussi une fenêtre qui s’ouvre ? » (2016 : 31). Une crise, c’est peut-être l’occasion d’éclairer différemment une situation, de la voir sous un autre angle, ouvrant les possibles. Mais pour cela, « il nous faut […] être pleinement attentif, ne surtout pas fuir la complexité du présent en se réfugiant dans un passé fantasmé, dans le ressassement ou le ressentiment » (2016 : 37).
Plus encore, pour que l’échec puisse être une opportunité de changement, il ne faut pas être dans la croyance que tout est prédéterminé (à l’aune de la caverne de Platon) : « Croire que l’échec peut nous aider à rebondir, à nous réorienter, à nous réinventer, c’est prendre le pari d’une philosophie du devenir » (2016 : 70). Ainsi, « d’abord perçus comme des culs-de-sac, certains échecs sont in fine moins des impasses que des carrefours » (Pépin 2016 : 75).

3ème vertu : un renforcement de ses convictions, ou pas
Par la confrontation, on développe sa force de caractère. Parfois, les crises nous amènent à changer (2ème vertu), mais parfois, elles peuvent au contraire renforcer nos convictions « mesurer combien telle aspiration est la grande affaire de notre vie » (2016 : 42).
Enfin, l’échec peut parfois servir de révélateur inconscient, obligeant à s’arrêter. L’échec devient alors une forme d’acte manqué nous invitant au changement, là où le conscient s’y refusait : « L’échec, lorsqu’il est un acte manqué, nous demande d’ouvrir les yeux » (2016 : 84).

4ème vertu : un champ de réalisation
La progression, l’évolution, voire la magie de la vie, ne sont accessibles qu’en sortant de sa zone de confort. Il ne faut toutefois pas confondre zone de confort et zone d’autonomie ou zone de contraintes : « Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi » (Epictète, 2016 : 59). Or, « moins nous essayons de lutter contre ce qui n’est pas en notre pouvoir, plus nous pourrons changer ce qu’il l’est » (2016 : 59-60).
Ce champ de réalisation est donc possible pour autant qu’on se concentre sur ce qui peut être changé, et que l’on ne soit ni dans le déni, ni dans l’auto-culpabilité, ni encore dans la victimisation (« se complaire dans un sentiment d’injustice », 2016 : 63) : « Se plaindre du réel, c’est le fuir, se réfugier dans un jugement subjectif qui n’apporte rien » (2016 : 64) ; « L’échec, lorsqu’il est là, ne dépend plus de nous. Seule dépend de nous la manière de le vivre » (2016 : 67).
Fort de ces précautions, quelle serait la saveur d’une victoire facile, qui n’aurait pas été gagnée à la sueur de son front ? « Sans nos ratés, nos déconvenues, les satisfactions les plus profondes de l’existence nous resteraient inconnues » (2016 : 145). Au-delà du plaisir mérité de la réussite après l’échec ou l’effort, un échec peut aussi être un maître qui permet un recentrement, amenant à apprécier les moments simples de l’existence, voire conduire à une « joie mystique » : « […] La vraie joie s’atteint dans le dénuement, dans le dépouillement. Il faut savoir abandonner ce qui nous rend superficiellement heureux – petits succès, reconnaissance sociale, pouvoir – pour toucher l’essentiel […]. La difficulté de la vie peut nous conduire au seuil de cet abandon, et nous offrir cette rencontre avec l’essentiel » (2016 : 156).
Ainsi, la réussite après l’échec procure une plus grande satisfaction ; elle stimule notre capacité à résister dans l’épreuve (quand c’est trop facile, ce n’est pas drôle) ; elle révèle notre progression…

5ème vertu : un amorceur d’humilité et de spiritualité
« Échouer, c’est souvent en effet “redescendre sur Terre”, cesser de se prendre pour Dieu ou pour un être supérieur, guérir de ce fantasme infantile de toute-puissance qui nous conduit si souvent dans le mur » (2016 : 51). L’échec se métamorphose alors en leçon d’humilité, pour peu qu’on y soit réceptif : « L’échec nous rend plus humbles, l’humilité nous rend sages, et c’est cette sagesse qui peut nous faire gagner » (2016 : 56). Finalement, « toucher le fond pour toucher l’essentiel » (2016 : 58), pour être un être humain.

En conclusion, pour l’auteur, un échec n’est pas nécessairement un élément négatif : « L’échec n’est certes pas agréable. Mais il ouvre une fenêtre sur le réel, nous permet de déployer nos capacités ou de nous rapprocher de notre quête intime, de notre désir profond » (2016 : 177).

 

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