Gagner la guerre ou gagner la paix
« À l’âge de 30 ans, pour avoir fait fermer deux chenils illégaux contenant 60 chiens maltraités, je subis une violente agression qui devait me transformer : Un chasseur détruisit ma voiture avec son 4×4 en me percutant frontalement, avant de profiter que je sois choqué (non pas tant par son acte barbare que par l’enfant de deux ans assis à ses côtés) pour enchaîner les coups sans que je puisse tout parer.
L’arrivée d’un témoin mit fin à l’attaque, et si j’en sortis avec d’importantes blessures, je pris surtout pour la première fois conscience de ma vulnérabilité. Une grande leçon d’humilité !
En regagnant mon domicile après des soins d’urgence, je me retrouvai seul (mon amie étant en déplacement), le corps meurtri, et l’esprit amer d’apprendre que mon agresseur avait poussé la lâcheté jusqu’à déposer plainte contre moi pour se protéger…
Pareille injustice aurait pu me conduire à pleurer, ou à tout casser pour me révolter, mais je m’assis simplement par terre, et me souvins, un mince sourire sur mes lèvres tuméfiées, que j’avais toujours eu assez confiance en la vie pour accueillir ce qu’elle m’offrait, bon ou mauvais.
Une graine de pardon germa alors dans mon cœur, pour s’élever en moi jusqu’à effacer toute colère envers mon bourreau, me rappelant dans un éclair de lucidité qui j’étais vraiment :
La Conscience, inaltérable, paisible témoin des événements.
À toi qui as gagné la Guerre ce jour-là, je te la laisse.
J’ai gagné la Paix. »
(Stemmer 2019 : 9)
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Cet épisode de vie témoigne de la puissance du non-jugement (« paisible témoin des événements »), de l’accueil et de l’acceptation, en regard de la résistance, de la révolte, de la violence, de la vengeance, du refoulement… À la sentence « Le moment où vous abandonnez est le moment où vous laissez quelqu’un d’autre gagner » s’oppose ainsi un autre regard, une autre voie, où la victoire n’étant pas là où on l’imagine.
Dans le cas présent, le non-jugement, l’accueil et de l’acceptation deviennent un outil de résilience ; ils peuvent transformer une crise en une opportunité, un tremplin pour s’élever. La crise se métamorphose alors en une leçon d’humilité : « L’échec nous rend plus humbles, l’humilité nous rend sages, et c’est cette sagesse qui peut nous faire gagner » (Pépin 2016 : 56). Finalement, « toucher le fond pour toucher l’essentiel » (Pépin 2016 : 58), pour être un homme.
L’histoire humaine est d’ailleurs jalonnée de parcours exceptionnels ciselés par l’adversité : Nelson Mandela construisit son équilibre intérieur durant ses plus de vingt ans de prison ; Jésus fortifia ses convictions durant ses quarante jours de retraite dans le désert…
Dans la continuité de l’antagonisme résistance-accueil, Bertrand Piccard, psychiatre dont la thèse a porté sur la résilience, revient lui aussi très souvent sur la notion de spiritualité :
« […] Nous pouvons nous mettre à utiliser les moments extrêmes de notre vie, comme une démarche initiatique, une sorte de voie spirituelle, à travers laquelle c’est clairement la relation avec notre être profond, notre âme, que nous allons chercher. Une sorte de voie de l’éveil à travers la prise de risque.
Quand je parle de prise de risque, je pense à ce qui peut nous aider à casser automatismes et carcans de pensée : toutes les turbulences de la vie, bien sûr, mais aussi les lectures, rencontres, hypnose, psychothérapie, etc. » (Piccard 2014 : 53)
L’auteur, évoquant les cancers, présente des résultats scientifiques qui démontrent que « ce genre d’épreuves peut engendrer le développement d’une plus grande conscience personnelle (self-awareness), un changement du système de valeurs et une plus grande considération pour autrui » (Piccard 2014 : 236) :
« C’est à l’occasion des épreuves que se sont développées des préoccupations d’ordre éthique, philosophique ou spirituel qui n’existaient pas auparavant. » (Piccard 2014 : 243)
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