Le lotus et la boue
« Si vous observez attentivement une fleur, vous verrez qu’elle est faite uniquement d’éléments non-fleur. Dans cette fleur, il y a un nuage. Bien sûr, chacun sait qu’un nuage n’est pas une fleur. Mais, sans nuage, il n’y aurait pas de fleurs. S’il n’y a pas de nuage, il n’y a pas de pluie et aucune fleur ne peut pousser. […] On n’y trouve aussi le soleil. Le soleil n’est pas la fleur, mais, sans soleil, il n’y aurait pas de fleur.
En plus nous regardons profondément la fleur, plus nous y voyons d’autres éléments, comme la terre et les minéraux. Sans eux, il n’y aurait pas de fleur. Une fleur est faite uniquement d’éléments non-fleur ; elle ne peut exister par elle-même, elle ne peut qu’inter-être avec tout le reste. Vous ne pouvez pas enlever le soleil, le sol ou le nuage de la fleur.
[…] La boue ne sent pas très bon, contrairement à la fleur de lotus au parfum si délicat. Mais, sans boue, les lotus ne se manifesteront pas. Vous ne pouvez pas faire pousser des fleurs de lotus sur du marbre. Sans boue, il ne peut y avoir de lotus. »
(Thich Nhat Hanh 2020 : 13-14)
Commentaire
Parmi les nombreux phénomènes singuliers que la nature produit, il y a la fleur de lotus. D’abord, sa graine : elle peut survivre plus de 100 ans avant de fleurir. La fleur de lotus symbolise ainsi la persévérance.
Ensuite, sa fleur, qui émerge de la vase et s’en nourrit, symbolise la capacité de transformer l’adversité en potentialité.
Enfin, la nuit venue, ses pétales se referment pour plonger dans l’eau boueuse. Lorsque le jour revient, la fleur ressort de l’eau et se découvre immaculée, sans trace d’impuretés sur ses pétales. Elle symbolise alors la pureté et la beauté qui peuvent se dévoiler d’un terrain vaseux. Elle symbolise ainsi la capacité à ne pas être durablement affecté par les contingences extérieures, à savoir se protéger pour conserver sa paix intérieure. Plus encore, elle suggère la capacité à se replier face aux aléas douloureux de la vie, pour se redéplier ensuite avec sérénité, confiance en soi et intégrité.
Mais Thich Nhat Hanh souligne que vase (adversité, souffrance) et lotus (bonheur) doivent être considérés comme indissociables : sans boue, pas de lotus. En dépassant la dualité souffrance-bonheur, il devient possible d’accueillir la souffrance et l’adversité, car, terreaux du bonheur, ils ne doivent pas être jugés : le bonheur est consubstantiellement lié à la douleur, qui lui permet de grandir si on la reconnaît et qu’on en prend soin.Le lotus devient ainsi un symbole de résilience.
« Le lotus immaculé ne fleurit pas en dépit du marécage, mais grâce à la vase nourricière de celui-ci. Le sage ne fuit pas le monde, car il sait que ce sont les épreuves qui font le sens de cette existence. Le sage ne fuit pas les difficultés, il apprend à éviter celles qui sont inutiles et considère celles qui sont inévitables comme des expériences » (Chauvat 2020 : 119).
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