Le vieil homme et le cheval

par | Mai 13, 2020 | 0 commentaires

Dans une contrée japonaise lointaine, il était une fois un vieil homme et son fils, qui vivaient paisiblement au milieu de leurs terres. Rassemblant toutes ses économies, le vieil homme partit à la ville acheter un cheval pour soulager leur labeur. C’était une belle bête, qui pourrait tirer la charrue, rapporter des provisions de la ville voisine, et bien d’autres tâches encore.

Les voisins vinrent le célébrer :
– « Quelle belle bête. Vous avez vraiment beaucoup de chance. »
Le vieil homme répondit : « Peut-être ».
Peu de temps après, le cheval s’enfuit à travers champs et on ne le retrouva pas. Les voisins vinrent lui témoigner leur sympathie :
– « Vous n’avez vraiment pas de chance. Comment irez-vous maintenant à la ville pour y chercher ce dont vous avez besoin ? Quelle tristesse ! ».
Le vieil homme se montra plus circonspect : « Peut-être ».
Quelques jours plus tard, le cheval réapparut, accompagné d’une jument sauvage. Les voisins revinrent cette fois féliciter le paysan :
– « Vous avez vraiment beaucoup de chance. Vous avez maintenant deux chevaux ».
Le vieil homme répliqua : « Peut-être ».
Et il demanda à son fils de dresser la jument, ce qu’il entreprit. Au cours d’une séance de dressage, ce dernier fit une chute et se cassa une jambe. Les voisins vinrent à nouveau plaindre le paysan :
– « Quelle infortune. Vous avez deux chevaux, mais votre fils ne peut plus travailler ».
Le vieil homme répliqua : « Peut-être ».
Quelque temps plus tard, une guerre fut déclarée. Tous les jeunes hommes valides de la contrée furent enrôlés. Le fils fut épargné à cause de sa jambe cassée. Les voisins revinrent à nouveau auprès du vieil homme :
– « Vous avez vraiment beaucoup, beaucoup de chance. Votre fils a échappé à la mobilisation ».
Et le sage répliqua : « Peut-être ».

Auteur inconnu

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Cette histoire se retrouve dans de nombreux ouvrages, qui tous soulignent l’importance de ne pas porter un jugement hâtif sur les événements auxquels on est confronté, et au contraire de les accueillir sans jugement. En effet, ce regard sera toujours conditionné par notre vision de notre univers et en particulier par nos pensées limitantes : « Toute nos activités sont fondées sur nos jugements. En fonction de la représentation que nous nous faisons des choses extérieures, nous déterminons leur effet sur nous » (Cornette de Saint Cyr 2017 : 25). 
C’est le cas de l’ouvrage Le chat du Dalaï-Lama, où l’accueil est privilégié à la résistance : « Tellement mieux que de s’opposer constamment au changement. […] Nous oublions que c’est seulement une question de temps avant qu’il y ait changement ; et, de nouveau, un changement de perspective. […] Même lorsque les choses tournent au plus mal […], nous pouvons trouver de nouvelles opportunités » (Michie 2017 : 150-151).
Ce conte fait également partie du triptyque de contes éclairant, selon Eckhart Tolle, « les trois aspects fondamentaux de la liberté véritable et de l’illumination authentique » (Tolle 2005 : 222), à savoir la non-résistance (conte du moine face à l’adversité), le non-jugement et le non-attachement (conte de La légende qui sauva le roi). Eckhart Tolle ajoute à ce propos qu’« être en harmonie avec “ce qui est”, c’est être en lien sans résistance intérieure avec ce qui se produit. Cela veut dire laisser l’événement être ce qu’il est sans l’étiqueter mentalement comme étant bon ou mauvais » (Tolle 2005 : 198).
Fabrice Midal, pour sa part, évoque ce même conte pour rappeler que « dans la vie, on ne peut pas juger de ce qui nous arrive sans laisser un espace au “ je ne sais pas ”, à l’événement qui est la rupture de l’ordre établi » (Midal 2020 : 102).
En résumé, il s’agit de constamment relativiser les événements vécus, sans porter de jugements et se laisser emporter par des émotions positives ou négatives : ni exalté, ni déprimé. Par exemple, face à ce qui semble être de l’adversité, face donc à un apparent problème ou échec, on risque de passer à côté d’opportunités, empêtrés dans des émotions comme la peur, la colère, la frustration, le ressentiment. Car personne ne sait de quoi l’avenir sera fait : « Fais-moi confiance. Je sais ce que je fais » (signé : L’univers). C’est le sens qui est évoqué par Dan Millman, rappelant que toute chose à une raison d’être, et « qu’il n’y a pas d’accidents […]. Il n’y a que des leçons » (Millman 1998 : 119). Il va même plus loin dans les vertus des accidents : « La douleur peut purifier l’esprit et le corps ; elle brûle ce qui fait obstruction » (Millman 1998 : 119).

« De l’intérieur ou de l’extérieur, le destin d’un œuf, c’est d’être cassé » (Grégoire Lacroix, cité par Chauvat 2020: 39). Dans les deux cas, il y a un heureux : celui qui en sort, ou celui qui le mange…

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