Père riche, père pauvre
« Un homme très riche et un homme très pauvre avaient chacun un fils. L’homme très riche monta avec son fils en haut d’une colline, il montra d’un geste le paysage autour deux et lui dit :
– Regarde. Un jour, tout cela sera à toi.
Le fils ressentit sur le moment un grand plaisir, mais en redescendant de la colline, son bonheur fut troublé par la crainte que son père change d’avis, ou bien qu’il ne vive pas assez longtemps pour obtenir ce gain.
L’homme très pauvre monta avec son fils au sommet de la même colline, lui montra le paysage et lui dit simplement :
– Regarde.
Le fils resta là et contempla la beauté du monde, le corps empli de joie. »
(Lenoir 2012 : 58-59)
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Dans L’âme du monde, Frédéric Lenoir synthétise de manière exemplaire la relation à entretenir avec les biens matériels : « Possédez des objets, mais n’en soyez pas possédés » (Lenoir 2012 : 77). Car, bien souvent, les possessions, tout comme les désirs, créent une souffrance à triple détente : « Nous souffrons de ne pas posséder ce que nous désirons, puis nous souffrons de la peur de perdre ce que nous possédons et nous souffrirons encore de la perte de ce que nous avons » (Lenoir 2018 : 35). Des philosophes comme Sénèque invitent d’ailleurs à privilégier un certain dépouillement : « Habituons-nous à tenir le luxe à distance et à évaluer les choses n’ont d’après leur faste, mais d’après leur utilité » (Sénèque 2018 : 75) ; « […] Contentons-nous déjà de réduire notre patrimoine, afin d’être moins exposés au revers de fortune » (Sénèque 2018 : 73-74).
Frédéric Lenoir rappelle aussi un danger constant en regard des biens matériels : ces biens étant impermanents, ils peuvent être perdus à tout instant. Sans détachement, ils nous enferment dans la peur de leur perte, à l’instar fils au père riche.
Combien de fois on a entendu ou on s’est dit : « J’ai tout ce que je pourrais souhaiter : santé, famille, travail… et je ne peux à présent que perdre quelque chose ». Pour vraiment apprécier des biens matériels, et il en va de même des relations ou encore de la santé, il faut accepter leur impermanence et s’en détacher.
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