Le remède contre la colère

par | Jan 29, 2023 | 0 commentaires

Un homme sage qui avait un ami qui s’emportait facilement lui dit un jour :
– Tu es malade et la colère est une maladie grave ; on peut en mourir. J’ai un remède qui prévient les accès de ce mal. Voici une bouteille de ce remède, que tu pourras essayer. Quand tu sentiras la colère monter en toi, tu iras vite chercher cette bouteille et tu en boiras une cuillerée. Mais attention, pour qu’il soit efficace, tu dois laisser agir le remède dix minutes sans ouvrir la bouche.
Le remède réussit à merveille. Lorsque cet homme eut achevé sa bouteille, il revint à son ami et lui en demanda une nouvelle :
– Tu peux remplir la bouteille à la fontaine, lui dit celui-ci, car je t’ai simplement donné de l’eau. Cette eau n’avait rien d’un remède miracle contre la colère. Mais le temps que tu as pris pour aller la chercher, le temps que tu as pris pour laisser agir le remède dans le silence et enfin la détermination consciente que tu as eue pour ne pas t’abandonner à ton premier mouvement ont été les véritables remèdes qui t’ont guéri. Si tu continues de veiller ainsi sur toi-même, tu seras guéri pour toujours.

Auteur anonyme

Commentaires

Ce conte rejoint deux autres contes, le conte de la barque vide – qui porte sur l’origine de la colère – le conte des clous dans la palissade – qui porte sur les conséquences de la colère –, pour illustrer trois facettes complémentaires de la colère.

Le présent conte se concentre sur la manière de gérer sa colère lorsqu’elle apparaît :

« Votre colère monte, s’exprime, puis repart, comme n’importe quoi d’autre. Vous pouvez l’éprouver davantage que d’autres. Et chaque fois que vous lui donnez une emprise, vous nourrissez l’habitude et augmentez les chances qu’elle se représente à nouveau. Au lieu de cela, ne serait-il pas mieux de contrer son pouvoir ? » (Michie 2017 : 167)

Ainsi, comme le rappelle Wayne-W. Dyer dans Vos zones erronées, il faudrait donc créer un espace temporel (voire spatial) entre l’événement et la réaction de colère : « Différer la colère, c’est la maîtriser et, à la longue, vous finirez par l’éliminer entièrement » (Dyer 2014 : 323). Maud Ankaoua rappelle d’ailleurs dans son roman Respire ! qu’« une émotion dure en moyenne sept secondes, elle délivre un message, puis elle repart » (Ankaoua 2020 : 82).

L’auteur du Le chat du Dalaï-Lama suggère ainsi comme remède principal la patience (la « force opposée » à la colère), étayée par la méditation. Xavier Cornette de Saint Cyr complète la patience et la méditation par un antidote supplémentaire, la tolérance : « Nous ne pouvons pas surmonter la colère et la haine simplement en les supprimant. Nous avons besoin d’en cultiver activement les antidotes : la patience et la tolérance » (Saint Cyr 2016 : 36-37).

Il ne s’agirait donc pas de refouler la colère – ce qui serait en soi dangereux –, mais bien de la canaliser et de l’évacuer, par différents remèdes/antidotes :

    1. Prendre de la distance : s’éloigner autant que possible et dès que possible de l’objet de sa colère. La colère est une émotion comme une autre, qui ne dure pas dans le temps. On peut par exemple prétexter d’aller à la salle de bain ; on peut aller prendre l’air ; on peut se retirer pour méditer… Lors d’une conversation tendue, on peut demander à son interlocuteur s’il est d’accord de faire une pause, en exprimant son besoin de se calmer avant de poursuivre la conversation.
    2. Se taire : garder le silence tant que la colère est présente. Dans le cas contraire, on risque non pas d’être puni pour sa colère, mais par sa colère (Bouddha).
    3. Respirer profondément : permet, par exemple à travers la respiration yogique, de recouvrer une partie de la sérénité perdue. La respiration calme et évite d’envenimer la situation, d’alimenter la colère ou de raviver l’objet de la colère.
    4. Sourire : dans Changer d’altitude (2014), Bertrand Piccard propose un remède original à la colère : « Il est impossible de simultanément sourire et ressentir de la colère. Tentez l’expérience de sourire devant votre miroir lorsque vous êtes contrariés et observez comment votre humeur va immédiatement changer » (2014 : 300).
    5. Écouter : l’écoute est un puissant remède pour faire baisser la colère de l’autre (en évitant par exemple de couper la parole), pour se recentrer (respiration consciente) et pour mieux saisir le point de vue de l’autre (tolérance) sur la situation (par exemple en recourant à la reformulation). Selon les situations, cela permet par exemple de prendre le recul nécessaire pour passer d’une négociation sur les positions à une négociation sur les intérêts.
    6. Méditer : permet d’opérer une prise de recul salutaire et de remettre l’objet de sa colère dans une juste perspective. Elle permet notamment un travail d’introspection – considérer la colère comme une matière brute à moudre pour son propre bénéfice, car elle a des choses à nous apprendre sur nous –, en se posant un certain nombre de questions :

a. Mon environnement favorise-t-il ma colère (fatigue, stress, alcool, peurs, inattendu…) ? Ainsi, « la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance » (George Lucas, Star Wars, épisode 1).
b. Qu’est-ce qui me met en colère ? Prendre conscience et nommer sa colère : « Je ressens de la colère » est différent de « Je suis en colère ».
c. Qu’est-ce que cette colère touche en moi ? Une blessure est-elle ravivée ? Une valeur est-elle heurtée ? Trouver la source de la colère permet déjà de l’apaiser.
d. Puis-je émettre des doutes ou des nuances quant à l’objet de ma colère, sachant que je suis enfermé dans mon univers et mes pensées limitantes ?
e. Ma colère est-elle proportionnée à l’objet de ma colère, ou cache-t-elle autre chose (une frustration précédente, une rancœur passée, une peur…) ?

Enfin, s’il est des colères légitimes, il faut parfois savoir faire preuve d’indulgence et tenter de pardonner (tolérance).

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partager