Poème sur l’argent

par | Jan 8, 2024 | 0 commentaires

Avec l’argent, on peut acheter :
Une maison, mais pas un foyer,
Un lit, mais pas le sommeil,
De la nourriture, mais pas l’appétit,
Des bijoux, mais pas la beauté,
Une montre, mais pas le temps,
Des livres, mais pas l’intelligence,
Des médicaments, mais pas la santé,
Des tranquillisants, mais pas la paix,
Du sang, mais pas la vie,
Le plaisir, mais pas la joie,
Le confort, le luxe, mais pas le bonheur,
Une certaine réputation, mais pas la bonne conscience,
Une position, mais pas le respect,
Des relations, mais pas un vrai ami,
Du sexe, mais pas de l’amour,
Une assurance sur la vie, mais pas sur la mort,
Une place au cimetière, mais pas dans le ciel,
C’est pourquoi, il ne faut pas s’en faire !

Poème d’origine africaine

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Ce poème pose un constat sonnant et trébuchant sur l’argent : de prime abord, l’argent n’offrirait que des choses vénales et superficielles (maison, médicaments, confort, sexe, relations…).

Pourtant, le dicton « l’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue » nuance ce noir tableau. En effet, devoir compter chaque pièce, vivre dans la misère, ne pas avoir un toit sur la tête, ne pas avoir de quoi nourrir ses enfants, semblerait assez antagoniste avec le bonheur. Bien entendu, là encore, il s’agirait de nuancer. Combien de personnes prétendent devoir compter chaque pièce, mais exhibent fièrement le dernier téléphone portable et arborent des habits aux marques ostentatoires ? Il y aurait donc les « vrais » pauvres, ceux pour qui un peu plus d’argent permettrait sans nul doute d’être plus heureux (besoins primaires de la pyramide de Maslow). Et il y aurait les « faux » pauvres, ceux devenus prisonniers d’objets que d’autres s’ingénient à faire croire comme étant indispensables, à l’instar de l’histoire des vendeurs de chaussures. Ces derniers s’inscriraient pleinement dans le poème ci-dessus :

« Prétendre contenter ses désirs par la possession, c’est compter que l’on étouffera le feu avec de la paille. » (Proverbe chinois)

L’argent pourrait donc parfois contribuer au bonheur et permettre alors d’engager des actions philanthropiques, de faire preuve de générosité, de venir en aide. Mais il ne devrait pas être une fin en soi : « L’être humain peut-il être heureux et vivre en harmonie avec autrui dans une civilisation entièrement construire autour d’un idéal de l’“avoir” ? Non, répondent avec force le Bouddha, Socrate et Jésus. L’argent est l’acquisition de biens matériels ne sont que des moyens, certes précieux, mais jamais une fin en soi » (Lenoir 2009 : 13). Il s’agirait donc d’être vigilent et de faire preuve d’une difficile sagesse en regard de l’argent, tant la tentation de cupidité resterait grande.

Et sans sagesse, comme le rappelle cette belle histoire sur un héritage), l’argent pourrait aussi contribuer au malheur. Sans sagesse, on pourrait reformuler le dicton « l’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue », par « l’argent est un frein au bonheur » ou pire encore « l’argent ne fait pas le malheur, mais il y contribue ». Le Dalaï Lama pose clairement le cadre :

« Ce qui me surprend le plus dans l’humanité ? Les hommes… parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite, ils perdent leur argent pour recouvrer la santé. » (Dalaï Lama)

L’argent rendrait ainsi malade (rejoignant le poème ci-dessus) ; plus largement, l’argent conduirait au malheur. Pour preuve : 70% des gagnants de gros lots à la loterie vont tout perdre en moins de 5 ans, y compris leurs amis. Et que dire de l’exploitation de personnes et de ressources pour enrichir les plus riches, riches au point de ne pas pouvoir dépenser l’agent qu’ils gagnent. Enfin, ne croyons pas que cette dérive ne concerne que les gagnants au loto et les ultra-riches. Dans Plus jamais victime, Pierre Pradervand évoque ce même poème pour démontrer la manière dont un quidam peut être victime de l’argent :

« […] Nombre de nos contemporains donnent l’impression de n’exister que par la place que leurs ressources matérielles et surtout financières leur permettent d’occuper dans la société. » (Pradervand 2021 : 89)

À cette souffrance directement liée à la frénésie de l’argent (conte du simple pêcheur) et à l’avarice qui s’y colle (conte du doigt), à ce besoin furieux de richesses qui éloignerait du bonheur, s’ajouterait une deuxième souffrance :

« Nous souffrons de ne pas posséder ce que nous désirons, puis nous souffrons de la peur de perdre ce que nous possédons et nous souffrirons encore de la perte de ce que nous avons » (Lenoir 2018 : 35).

Cette peur est illustrée dans le conte du père riche et du père pauvre, où la peur empêche même de savourer un simple paysage. Et à cela s’ajoute la course sans fin de la possession : on aspirerait à quelque chose, mais dès qu’on le possèderait, on le désirerait moins, pour finalement s’en détourner, et désirer autre chose.

Y a-t-il donc une issue ? Faudrait-il vivre comme un ascète ? Faudrait-il se contraindre au dépouillement le plus extrême ? Faudrait-il renoncer à tout ? La voie du milieu serait somme toute une voie possible à explorer. C’est par exemple ce que nombre de religions recommandent, telles que le jaïnisme (Cornette de Saint Cyr 2016) :

« Bien sûr, pas question de se priver et de tout refuser ! La voie du juste milieu, encore une fois, c’est saisir ce qui est l’impermanence afin de consommer moins et mieux, c’est-à-dire :
– en fonction de nos besoins réels et non de nos désirs fugaces ;
– et en fonction de nos besoins personnels et non de ceux des autres. » (Cornette de Saint Cyr 2018 : 131)

La voie du milieu, ce serait donc de ne pas porter toute son attention sur l’argent, à l’aune du conte du grillon dans la ville, mais de consommer en fonction de ses réels besoins (conte du visiteur) – besoins propres à chacun individuellement –, de savourer l’instant présent, de pratiquer la charité (donner 10% de ses revenus), de cultiver la gratitude et l’oblativité

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