Le virage

par | Juil 12, 2020 | 0 commentaires

Références:

Dyer, Wayne-W. 

Le virage : se libérer de l’ambition pour retrouver une vie pleine de sens

Guy Trédaniel

2010

Résumé

On se dira heureux lorsqu’on aura résolu tel problème, réglé telle question, trouvé telle solution. Et de problème en solution, on repousse sans cesse ce bonheur, pensé comme dépendant de l’environnement. Une autre conception du bonheur, ici et maintenant, qui se retrouve dans E. Tolle (2018), est parfaitement illustrée dans un bref dialogue rapporté par S. Stemmer (2018 : 151) :

Un homme demanda un jour à Bouddha
« Je veux du bonheur »
Bouddha répondit :
D’abord enlève « Je », c’est l’illusion de l’égo.
Puis enlève « veux », c’est l’illusion du désir.
Et vois ce qu’il te reste : « du bonheur » !

Le virage dépasse ce concept de bonheur : « […] Il existe quelque chose de plus grand que le bonheur ou le malheur, c’est le sens » (documentaire de Mickey Lemle : Hasten Slowly : The Journey of Sir Laurens van der Post, cité par Dyer 2010 : xi). W. Dyer propose ainsi de passer de l’ambition au sens. Plus précisément, l’ouvrage passe de la naissance (1er chapitre) à l’adulte & l’ambition (2ème chapitre), pour glisser pour certains d’entre nous, souvent à l’occasion d’épreuves dans la vie, de l’ambition vers le sens (3ème chapitre). Finalement, le 4ème chapitre décrit les 4 vertus cardinales et les 3 principes qui caractérisent le virage vers le sens.
Le premier chapitre est consacré à des considérations métaphysiques sur nos origines, avec un retour sur la question du vide (néant), de l’énergie, de la vibration et de l’unité. L’auteur rappelle ainsi qu’à la naissance, on « […] ne savait rien d’accumuler des biens, de réaliser des choses ou d’avoir de l’ambition » (2010 : 31). Il suggère déjà la notion de détachement : « Entrez dans un état où vos biens, votre famille, votre maison, votre travail et votre corps cessent d’exister » (2010 : 33).
Le second chapitre est consacré à l’épanouissement de l’égo, qui caractérise la période de l’ambition. L’égo se déclinerait en 6 caractéristiques :

1. Je suis ce que je possède (acquisitions)
2. Je suis ce que je fais (réalisations)
3. Je suis ce que les autres pensent de moi (réputation)
4. Je suis distinct de tous les autres (concurrence)
5. Je suis distinct de ce qui manque dans ma vie
6. Je suis distinct de Dieu

Le troisième chapitre, pour nous éloigner des contingences et exigences de l’ego, propose d’opérer un demi-tour, un retour au bercail. Certains signes lassaient présager qu’une personne est prête à passer de l’ambition (ego) au sens (soi authentique).
Premièrement, l’insistance de l’ego à faire et posséder plus devient moins attrayante. W. Dyer cite ainsi le Tao-tê-king, verset 81 (2010 : 79) :

Le Sage se garde d’amasser
Plus il vit pour les autres et plus il s’enrichit
Plus il dispense aux autres et plus il est comblé.

Et le détachement du besoin d’acquérir et d’accumuler « ne veut pas dire de ne plus être en mesure d’attirer l’abondance et la prospérité ni de perdre notre désir d’être productif. Cela suppose plutôt de ressentir la grâce naturelle d’être en harmonie avec notre complétude » (2010 : 80).
Deuxièmement, la tendance « à faire moins plutôt que plus », c’est-à-dire opérer un réel ralentissement de sa vie, pour peut-être mieux apprécier l’instant présent.
Troisièmement, à l’aune d’une plus grande humilité, ne plus chercher la gloire et la notoriété, « pour fonctionner davantage dans l’ombre ». Il s’agit d’une forme de renoncement contrecarrant l’ego : « L’ego se nourrir des marques d’approbation des autres et il n’est donc pas surprenant que nous apprenions à adopter un mode de vie qui les cherche constamment » (2010 : 81).
Quatrièmement, la distinction de soi vis-à-vis des autres (se comparer, dominer, rivaliser…) est remplacée par une prise de conscience d’unité et de complémentarité.
Cinquièmement, la croyance que nous pourrions être en manque s’estompe, et est remplacée par un sentiment d’abondance ici et maintenant.
Enfin, sixièmement, on commence à chercher un équilibre entre le corps et l’esprit, et à prendre soin de l’un comme de l’autre. Se développe alors une forme de spiritualité qui abandonne une pure rationalisation du monde.
Ce virage intervient souvent à l’occasion de ce que l’auteur appelle une « chute », faisant en cela écho aux observations, parmi d’autres, de Schuller (1983) ou de Tolle (2018). Ainsi, « chaque chute renferme le potentiel de nous emmener plus haut », car « ces périodes creuses génèrent l’énergie nécessaire pour nous éloigner de l’ego, afin d’entrer dans une vie ayant un but » (2010 : 86-87). Vu sous cet angle, les difficultés prennent la forme d’autant d’opportunités : « […] J’ai maintenant l’impression que chaque grand défi représente une occasion de croître vers un plus haut niveau spirituel, là où la gratitude remplace graduellement le remords » (2010 : 88).
Aux pages 91 à 94 est proposé un résumé en 7 étapes de ce virage. Or, ce dernier implique peut-être de renoncer à une forme ou l’autre de statut social (titre professionnel, signes extérieurs de richesse…), ce qui aura immanquablement un impact sur la manière dont les autres nous voient. À cela, W. Dyer répond que « nous devenons vraiment sensibles au fait que nous ne définissons pas les autres par nos jugements, mais nous les définissons simplement comme des gens ayant besoin de juger » (Dyer 2010 : 94). Ainsi résumé, l’auteur schématise le virage en s’inspirant de l’ouvrage Quantum Change : When Epiphanies and Sudden Insights Transform Ordinary Lives, de Miller & Baca (2001) :

Les valeurs considérées comme importantes avant… Les valeurs considérées comme importantes après…
Hommes Femmes Hommes Femmes
richesse, aventure, accomplissement, plaisir, être respecté indépendance, carrière, s’adapter, être attirante physiquement spiritualité, paix intérieure, famille, volonté de Dieu, franchise épanouissement personnel, estime de soi, spiritualité, bonheur et générosité

C’est ainsi que s’ouvre le 4ème et dernier chapitre, où le virage vers le sens opère : « Nous ne luttons plus pour gagner, obtenir l’approbation des autres, répondre à leurs attentes, accomplir ce qu’ils ont prévu pour nous, acquérir des biens, réaliser ou accumuler. Nous lâchons prise sur les conflits, la certitude, le besoin d’avoir raison, de nous battre, de dominer, de vaincre et de nous sentir supérieur » (2010 : 107). Ce sens, que l’on retrouve chez Michie (2017), est tourné sur l’autre : « Comme nous ne pouvons pas conserver ce que nous réalisons ou accumulons, la seule chose que nous puissions faire avec notre vie, c’est de la donner » (2010 : 108). Et ce don répond à 4 « vertus cardinales » :

1. Le respect inconditionnel à l’égard de tout ce qui est vivant.
2. La sincérité naturelle, en se tournant notamment vers ce qui nous anime (Ikigai).
3. La douceur, humilité et compassion.
4. L’appui, le soutien à l’autre sans rien attendre en retour.

Pour se tourner vers l’autre, « le principe consiste à prendre l’habitude de remplacer l’attention qu’on porte à soi-même par l’attention aux autres » (2010 : 125). Réduire ses richesses, se consacrer aux autres, pour aller jusqu’à l’« humilité radicale » :

Tous les fleuves se jettent dans la mer parce qu’elle est plus basse qu’ils ne sont. L’humilité lui confère sa puissance. (Tao-tê-King, cité par Dyer 2010 : 127)

 Pour que ces 4 vertus permettent et expriment le virage, ce dernier doit suivre 3 principes : 

1. Cultiver l’humilité, même si « entreprendre le virage vers l’humilité ne signifie pas de baisser les bras ni d’être faible. Il s’agit […] de penser à servir les autres, avant soi-même » (2010 : 130).
2. Renoncer au contrôle pour aller vers la confiance (en soi, dans les autres, en l’univers…). Ainsi, en laissant parler, en laissant faire des expériences, on fait confiance tout en augmentant sa propre capacité à ne pas s’imposer.
3. Passer de l’attachement au détachement, tant quant aux idées (vouloir avoir raison) qu’aux biens matériels. 

L’association des 4 vertus cardinales et des 3 principes caractérisent le virage vers le sens, en lieu et place de la course au bonheur. La conclusion rejoint ainsi l’introduction : 

Il n’y a rien de mal à rechercher le bonheur…
Mais pour le confort de l’âme…
Il existe quelque chose de plus grand que le bonheur
Ou le malheur, c’est le sens.
(documentaire de Mickey Lemle : Hasten Slowly : The Journey of Sir Laurens van der Post, cité par Dyer 2010 : 139)

 Voir aussi l’outil Passer de l’ambition au sens.

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