La sagesse expliquée à ceux qui la cherchent

par | Jan 4, 2022 | 0 commentaires

Références:

Lenoir, Frédéric

La sagesse expliquée à ceux qui la cherchent

Seuil

2018

Résumé

Cet Essai, écrit sous la forme d’un dialogue entre un lecteur fictif et Frédéric Lenoir, aborde de manière intelligible des notions aussi diverses que la spiritualité (à ne pas confondre avec les religions), le bonheur, l’amour, les vertus (justice, tempérance, courage, prudence, humour, souplesse…) la mort ou encore l’ego, avec comme point de mire un développement de sa sagesse intérieure, en tant qu’art de vivre à développer et entraîner au quotidien. En voici quelques définitions :

« “La sagesse, c’est le maximum de bonheur dans le maximum de lucidité” (André Comte-Sponville) » (2018 : 25).

De manière sous-jacente à la sagesse se pose la question du sens de l’existence, avec pour objectif de « tendre vers cet idéal d’une vie noble, consciente, lucide, responsable, aimante, harmonieuse, juste, sereine, joyeuse, libre » (2018 : 10).
Si le bonheur est souvent associé, dans le monde occidental, à l’argent et aux honneurs, dans les faits, ni l’un ni l’autre ne mènent au bonheur, sauf s’ils sont mis au service des autres et d’un accroissement de sa propre humanité. De plus, le bonheur serait devenu, comme l’efficacité et la rentabilité, une injonction des sociétés modernes, alors qu’ils sont antinomiques au déploiement de la sagesse.
Face à ces dérives de faux bonheurs, on assisterait aujourd’hui « au triple effondrement des idéologies religieuses, politiques et ultra-libérales consuméristes, qui entendaient apporter le bonheur à l’humanité avec des recettes qui ont toutes échoué » (2018 : 30). Aspirer à plus de sagesse, ce serait donc développer une spiritualité intérieure, définie comme « [un] effort personnel de l’individu qui cherche à se délier de tous ses conditionnements culturels et de ses a priori intellectuels pour chercher la vérité, l’amour et le bonheur véritable » (2018 : 23).

« […] La sagesse s’apparente à la recherche d’un état de satisfaction global et durable de l’existence qui ne dépend pas des aléas de la vie et donc des événements du monde extérieur » (2018 : 32).

« À cette injonction contemporaine du “toujours plus”, la sagesse oppose la quête du “mieux être” » (2018 : 33), en tentant de s’éloigner du désir-attachement-soif, créateur de frustration, pour tendre vers un état de satisfaction durable, qui ne dépend pas des aléas de la vie. Car si la vie est faite d’aléas, être sage consisterait à rechercher l’équanimité, certes en faisant des choix bénéfiques plutôt que nocifs, mais aussi en modifiant ses pensées et ses croyances : « La sagesse refuse de se résigner contre cette fatalité de l’omniprésence de la douleur. Elle propose une voie, exigeante encore une fois, qui permet de développer un sentiment intérieur de sérénité et/ou de joie qui soit indépendant des aléas, des hauts et des bas de la vie » (2018 :35). Car finalement, l’obstacle au bonheur serait la représentation de la réalité, et non la réalité elle-même, car on créerait l’univers dans lequel on se meut. Que ce soit dans le cas d’une maladie (2018 : 40 ; 45), d’une agression (2018 :40), d’un décès (2018 : 95) ou encore de la torture (2018 : 50).

« La sagesse nous invite à cesser d’accuser la vie, ou les autres, et à prendre notre vie en main en comprenant que la plupart de nos souffrances pourraient être évitées si nous changions la représentation que nous avons de nous-mêmes et du monde » (2018 : 43-44).
« La sagesse […], c’est intégrer le tragique au bonheur. C’est accepter et aimer la vie avec ses hauts et ses bas […] » (2018 : 44).
« La sagesse nous propose d’accepter ce qui est, que l’on ne peut changer, mais aussi d’agir sur ce qui peut être modifié, tant dans notre intériorité (nos émotions et nos pensées) que notre environnement (chercher le traitement pour guérir) » (2018 : 45-46).

Face aux aléas de la vie, la sagesse, permettant de modifier sa vision de la réalité, pourrait constituer une précieuse boîte à outils en vue d’être meilleur et plus heureux. Faisant une différence capitale entre la douleur et la souffrance, l’auteur illustre parfaitement comment la représentation de la réalité peut devenir un obstacle au bonheur. Il reconnaît ainsi que la douleur est universelle : « Mais lorsqu’à la douleur physique ou morale s’ajoutent la colère, la tristesse, la haine, le ressentiment, le refus, le déni ou la plainte, alors la souffrance psychique et spirituelle vient s’ajouter à la douleur objective que nous ressentons » (2018 : 44).
Sans fatalisme mais en s’inspirant du chien, il s’agirait donc d’accepter l’inéluctable pour se concentrer ce sur quoi on pourrait agir. Lorsqu’on se trouverait dans une zone de contrainte, « mieux vaut accepter joyeusement ce qui est, plutôt que d’entrer dans le déni, le refoulement, ou bien sombrer dans le ressentiment, la colère, le désespoir, la plainte » (2018 : 46). Mais lorsqu’on se trouverait dans une zone d’influence ou d’autonomie, qu’il s’agisse de rechercher un remède pour une maladie curable, de se battre contre une injustice, de soulager la souffrance de quelqu’un, de lutter contre le réchauffement climatique…, il faudrait agir, quitte à ce que ces gestes puissent paraître insignifiants.

« Le sage, c’est celui qui est parfaitement accordé à lui-même et au monde » (2018 : 57).

Tendre à la sagesse consisterait à constamment opérer un travail d’introspection, « c’est-à-dire d’observation minutieuse de tes ressentis, de tes pensées, de tes paroles, de tes actes, de tes réactions émotionnelles, de tes désirs et de tes aversions » (2018 : 54). Ce travail d’introspection permettrait d’identifier, au-delà de ses représentations, ce qui rendrait réellement heureux (l’auteur distingue la joie passive à la joie active) ou malheureux. Il s’agirait ainsi de trouver une forme de liberté (2018 : 98), de se libérer de ses pensées limitantes ou encore de « l’esclavage de ses passions » (2018 : 98).
Cela supposerait une vigilance quotidienne avec pour intention de grandir en humanité, « notamment face à toute situation qui demande un choix, ou qui peut susciter une réaction émotionnelle » (2018 : 81). Il s’agirait de veiller à ses pensées négatives, à ses paroles, et à ses actes ; il s’agirait de prendre quotidiennement du recul, par des exercices de méditation par exemple ; il s’agirait de remercier la vie pour ce qu’elle offre (gratitude), au point de « remercier pour une difficulté, un échec ou une épreuve, car tu auras compris que tout obstacle peut être source de croissance, de conscience et d’amour » (2018 : 86).

« Cet amour universel et désintéressé est le couronnement de la sagesse » (2018 : 63).

Le bonheur ne devrait pas être recherché au mépris des autres (bonheur égoïste) ; la vie devrait être au contraire au service des autres. En effet, lorsqu’il est question d’amour, il ne s’agit ni de l’amour-éros (comme la passion amoureuse), ni l’amour-philia (comme les relations avec ses enfants ou ses amis), mais d’un amour universel et désintéressé (agapè) offert à tous les êtres sensibles : « En aimant, nous donnons de la valeur à celui que nous aimons » (2018 : 63).
Il ne s’agirait pas de renoncer à toute relation aimante, mais de toujours avoir à l’esprit que « l’autre ne nous appartient pas. L’aimer en vérité, c’est vouloir son bonheur » (2018 : 93). Il s’agirait donc d’aimer sans attachement (2018 : 94) et en se détachant de son propre égo (2018 : 100).

« La sagesse nous invite à mener une existence équilibrée, sans excès. À savourer les plaisirs d’essence sans nous y attacher. » (2018 : 77).
« La sagesse, c’est tout le contraire d’une vie ascétique de mépris du corps et des émotions » (2018 : 88).

La sagesse serait enfin fondée sur des valeurs (justice, tempérance, courage, prudence, humour, souplesse…). En particulier, la tempérance inviterait à une forme de « sobriété heureuse » (Rabhi 2013) et de « puissance de la modération » (Rabhi 2015). Ainsi, la sagesse, fondée sur la tempérance, serait la recherche d’un « juste milieu entre la débauche (vice du trop de plaisir) et l’ascèse (vice du manque de plaisir) » (2018 :76). Il s’agirait donc de vivre en veillant à sa respiration, à la manière de se nourrir, à la qualité de son sommeil, à faire de l’exercice, à méditer… avec tempérance.

En guise de conclusion, si le chemin de la sagesse n’est pas un jeu d’enfant, les enfants, dénués d’égo démesuré et vivant l’instant présent, sont parfois, à en croire l’auteur, de bons maîtres de sagesse…

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