Le chat du Dalaï-Lama

par | Juin 6, 2020 | 0 commentaires

Références:

Michie, David

Le chat du Dalaï-Lama : les secrets du bonheur véritable d’un félin pas comme les autres

Poche, Leduc

2017

Résumé

Un chaton famélique et infirme, sauvé in extrémis de la mort par le dalaï-lama, a le privilège de devenir le chat de sa sainteté. À travers de multiples pérégrinations, il va vivre des aventures palpitantes et drôles à la fois, teintées de leçons spirituelles livrant les secrets du bonheur, résumés ici en 6 préceptes.

1. Le désir de vivre heureux et d’éviter les souffrances rassemble tous les êtres vivants

À la question de savoir si la vie d’un être humain et celle d’un animal ont la même valeur, l’auteur fait dire au dalaï-lama que sous un certain angle de vue, l’un et l’autre partagent des caractéristiques similaires : « En tant qu’êtres humains, notre potentiel est beaucoup plus grand, bien sûr. Parce que nous voulons tous demeurer en vie, parce que nous nous accrochons tous à notre existence consciente particulière, sous cet angle, il n’y a pas de différence entre l’être humain et l’animal » (2017 : 18).
Or, dans le contexte du chaton extirpé d’une mort certaine, la leçon serait que « nous devons protéger tous les êtres sensibles autant que possible. Nous devons aussi reconnaître que nous avons tous, à la base, deux désirs en commun : le désir de vivre heureux et le désir d’éviter les souffrances » (2017 : 19) :

« Nous partageons tous ces deux désirs. Mais la façon dont nous recherchons le bonheur et tentons d’éviter les désagréments est aussi la même. […] Mais plus que tout […], nous voulons tous être aimés. » (2017 : 19)

À ce propos est abordée plus loin la question du végétarisme. Partant de l’idée qu’il faudrait être modéré en toute chose, l’auteur invite à manger peu de viande, sans l’exclure nécessairement (des animaux meurent, y compris pour manger végétarien). Pétri de respect, il invite surtout à ne pas imposer un discours ou un point de vue aux autres, et de privilégier plutôt le respect de l’opinion d’autrui : « Le plus important est de nous assurer que nos décisions sont motivées par la compassion et la sagesse » (2017 : 186) :

« Autant que possible, il est utile de penser à tous les êtres pour ce qu’ils sont : des êtres comme nous. Chaque être vivant ne cherche que son bonheur. Chaque être veut éviter toute forme de souffrance. » (2017 : 186)

2. Croire que le bonheur dépend de son environnement est une prison imaginaire

Si tout être humain désire avant tout le bonheur, l’auteur attire l’attention sur le fait que ce ne sont pas tant les conditions de vie qui rendent heureux ou malheureux, mais la façon de les percevoir (perspective qui devient un outil de résilience). En effet, si très souvent, changer les conditions de vie semble promettre le bonheur, dans les faits, lorsque ces conditions changent, l’effet positif est limité dans le temps. Car finalement, ce ne sont pas tant les conditions que leurs perceptions qui alimentent le bonheur ou le malheur. L’auteur donne l’exemple de criminels enfermés en prison :

« Nous encourageons nos étudiants à transformer leur prison au monastère, poursuivi Robina [ndlr : religieuse consacrant sa vie à accompagner des prisonniers]. À ne plus voir leur peine d’emprisonnement comme une partie de leur vie qu’ils auraient perdue, mais comme une fabuleuse opportunité en termes de croissance personnelle. Certains y arrivent, et la transformation qui s’opère en eux est incroyable. Ils parviennent à trouver le sens véritable de leur vie, et ils en sortent complètement transformés. » (2017 : 49)

Et si ce principe est vrai pour des criminels en prison, il l’est encore plus pour le commun des mortels : « Ce serait merveilleux si tout le monde pouvait entendre ce message, en particulier ceux qui vivent dans des prisons imaginaires » (2017 : 49). L’auteur évoque à ce propos l’histoire du fumier à la porte pour illustrer la manière dont les réactions face aux problèmes sont plus importantes que les événements eux-mêmes.
Ainsi, « […] la raison fondamentale de notre mécontentement, la cause première, c’est que nous nous méprenons sur la façon dont les choses existent. […] Nous pensons que tout se produit à l’extérieur de nous, et nous ne faisons qu’y réagir, comme si tout venait de l’extérieur » (2017 : 120), alors qu’en réalité, « la façon dont les choses existent, comment elles existent, cela dépend en partie de notre propre esprit » (2017 : 121). Évoquant les quatre nobles vérités et le concept de « coproduction conditionnée », l’auteur en vient au Lam Rim, « un texte qui nous fait prendre la conscience de notre propre comportement mental, afin de remplacer nos schémas de pensées négatifs par des schémas plus positifs » (2017 : 123).
L’une des voies pour y parvenir serait de cesser de penser au « je », de penser à soi, pour penser d’avantage au bonheur des autres ; en d’autres termes il s’agirait de se défaire de l’égocentrisme et du narcissisme, qui seraient source de malheur.

3. Le passage d’un matérialisme égocentrique à une spiritualité altruiste serait une source de bonheur

L’argent, tout comme les « talents », peut être utile et bénéfique : tout dépend de ce que l’on en fait : « La richesse est une forme de pouvoir, une énergie. Elle peut être des plus bénéfiques si elle est utilisée à bon escient » (2017 : 84). À titre d’exemple de dérives, « vos vêtements, vos chaussures, vos parures et votre hygiène […] ont bien plus à voir avec l’image que vous souhaitez projeter qu’avec de simples considérations pratiques » (2017 : 109). Et il s’agirait de ne pas s’y attacher, tout comme des relations humaines, car toutes ces dimensions extérieures sont changeantes et éphémères :

« Dans le cas de l’argent, du statut social ou des relations interpersonnelles […], nous pouvons facilement voir que ce ne sont pas de réelles sources de bonheur. » (2017 : 85)

Si le bonheur est articulé à un environnement singulier, le caractère inéluctablement changeant de tout environnement mènera nécessairement au malheur. Faisant écho au conte du vieil homme et le cheval, l’auteur invite à ne pas juger les événements et les changements qui peuvent intervenir (accueil) : « Nous oublions que c’est seulement une question de temps avant qu’il y ait changement ; et, de nouveau, un changement de perspective. […] Même lorsque les choses tournent au plus mal […], nous pouvons trouver de nouvelles opportunités » (2017 : 150-151).
Si le développement d’une forme de spiritualité pouvait être pour sa part une voie du bonheur, un risque subsisterait : « Le danger avec le développement personnel, c’est qu’il peut nous mener à plus de narcissisme, d’égocentrisme ou d’infatuation, lesquels ne sont pas de réelles sources de bonheur » (2017 : 85-86). Pour l’éviter, la voie du bonheur devrait passer par le bonheur des autres (« être sagement égoïste ») :

« Nous devons tous découvrir nos propres façons de cultiver le bonheur, mais il y a des principes généraux. Deux sources de bonheur principales : d’abord, le désir de faire le bonheur des autres, ce que les bouddhistes définissent comme l’amour ; ensuite, le désir d’aider les autres à se défaire du mécontentement et de leurs souffrances, ce que nous définissons comme de la compassion » (2017 : 86).

Ainsi, la voie du bonheur serait de développer son alter-développement : « L’idée était d’encourager un maximum de gens à donner de leur temps, de leur argent et de leurs aptitudes sociales à une bonne cause » (2017 : 92).

4. Suivant la loi karmique d’action-réaction, le bonheur dépendrait des actions

Partant de la loi karmique de cause à effet (« on récolte ce que l’on sème »), toute action aurait des répercussions sur sa vie, déterminée en grande partie par le karma (somme des actions passées, dont l’intention aurait été positive ou négative) :

« La loi de cause à effet est la base même de la technologie occidentale. Rien n’existe qui n’ait de cause, tout est fonction d’autre chose. Mais dès qu’on s’aventure au-delà du domaine matériel immédiat, les Occidentaux tendent à évoquer la chance, le destin ou l’intervention divine. » (2017 : 103)

Or, l’intention elle-même serait plus importante que l’action. Très souvent, par exemple par peur, on peut hésiter à passer à l’action, ne sachant pas très bien quelle est la bonne action à engager. Il arrive également de faire une action pensant bien faire et finalement constater une conséquence en apparence plus négative que positive : « […] Quand une personne se prosterne devant un Bouddha, ce qui importe vraiment, c’est l’intention, pas la prosternation » (2017 : 197). En toile de fond, on perçoit ainsi la question de la présence, de l’attention à l’instant présent, attention à l’action entreprise, attention à ses freins (comme la peur), attention à l’intention réelle derrière l’action (pureté de l’intention)…

5. L’attention et la pleine conscience sont des outils fondamentaux du bonheur

Observant les clients du restaurant de Dharamsala, le matou du dalaï-lama réalise qu’« en dépit de toutes les préparations élaborées, pour lesquelles ils payaient d’ailleurs un prix élevé, [les clients] ignoraient pratiquement leur nourriture, trop occupés qu’ils étaient à converser, à échanger des SMS avec leurs amis, ou à lire les journaux étrangers […] » (2017 : 65), à l’opposé de la pleine conscience :

« La pleine conscience signifie prêter attention au moment présent de façon délibérée et sans porter de jugement. […] Ne pas s’arrêter aux pensées tournées vers le passé, l’avenir ou quel que fantasme que ce soit […]. Une pure présence. […] Aucune agitation ou élaboration mentale que ce soit. » (2017 : 66)

Ainsi, « […] en haut de la colline, le bonheur était recherché en cultivant des qualités intérieures, qui commençaient par la pleine conscience, mais qui s’étendaient aussi à la générosité, à la sérénité et à la bonté. En bas de la colline, le bonheur était recherché dans les choses extérieures : la nourriture, les vacances stimulantes et une technologie ultrarapide. Cependant, il semblait n’y avoir aucune raison pour que les êtres humains ne puissent avoir les deux : nous, les chats, savons depuis longtemps qu’être pleinement conscients d’une nourriture délicieuse figure parmi les plus grands bonheurs imaginables » (2017 : 67) :

« La moitié du temps, les gens ne se concentrent pas sur ce qu’ils font. Mais le point le plus intéressant, c’est la corrélation qui existe avec le bonheur. […] Les gens sont beaucoup plus heureux quand ils sont conscients de ce qu’ils font. […] Il semblerait que ce n’est pas tellement ce que l’on fait qui nous rend heureux mais le fait d’en être conscient ou non. » (2017 : 69-70)

6. Le bonheur passe par la discipline du corps et de la pensée, et non par la paresse

La discipline concerne certes les comportements que l’on pourrait avoir, mais cela concerne également son esprit : « Le développement intérieur est quelque chose qui relève de notre responsabilité personnelle » (2017 : 214). Ainsi, la manière de percevoir les choses, mais également d’alimenter des pensées négatives ou positives, relève d’une discipline intérieure. Par exemple, « si j’étais entourée d’êtres humains qui pensent que ce sont les personnes et les choses dans leur vie qui les rendent heureux ou malheureux, plutôt que leur attitude envers ces mêmes personnes ou ces choses, eh bien je pourrais alors être considérée comme le plus sage des chats » (2017 : 215). En d’autres termes, on considèrerait que ce sont les personnes et les choses dans notre vie qui nous rendent heureux ou malheureux, plutôt que notre attitude envers ces mêmes personnes ou ces choses.
De même, il est possible d’avoir une propension à agencer « un tas d’expériences isolées pour faire de sa vie une histoire négative et déprimante » (2017 : 234), permettant ainsi « à une pensée négative de s’amalgamer à une autre, qui n’avait pourtant rien à voir avec elle » (2017 : 234). Mais, « les pensées positives se multiplient tout autant et conspirent inévitablement à produire les résultats les plus heureux » (2017 : 234). Une forme de discipline viserait donc à nourrir les pensées positives et à affamer les pensées négatives.
À tel point que des qualités comme le manque d’estime de soi ou le manque de confiance en soi sont ici considérés comme « la manifestation de l’esprit faible » (2017 : 231), indiscipliné, ne maîtrisant pas ses pensées intérieures :

« […] Vous devez choisir de surmonter cet état d’esprit [faible estime de soi]. Qu’arrivera-t-il si vous continuez de vous en remettre à un esprit faible ? Vous nourrissez votre faiblesse. Le résultat en sera un esprit encore plus faible dans l’avenir. Au lieu, vous devriez cultiver la confiance en vous ! » (2019 : 229)

CDSS (chat de sa sainteté) décide par exemple de ne « plus considérer les séances de méditation difficiles comme une raison d’abandonner » (2017 : 232).
Il en va de la même manière de la colère. Quand bien même les émotions (colère, tristesse…) sont naturelles, il conviendrait qu’elles durent le moins longtemps possible et avec l’intensité la plus faible, car « lorsque quelqu’un est fâché, le premier à souffrir c’est lui. Une personne fâchée n’a l’esprit ni heureux ni paisible » (2017 : 165). L’origine de la colère venant de son esprit, elle arriverait comme elle repartirait : « Votre colère monte, s’exprime, puis repart, comme n’importe quoi d’autre. […] Et chaque fois que vous lui donnez une emprise, vous nourrissez l’habitude et augmentez les chances qu’elle se représente à nouveau » (2017 : 166-167). Des outils, comme la patience, la reformulation (qui permet la déconstruction) ou encore la méditation, sont alors évoqués, le tout fondé sur la discipline : comme c’est l’intention qui compte, ils ne doivent pas rester à l’état de préceptes, mais doivent être appliqués de manière systématique (discipline) et consciente, seule leur application pouvant, selon l’auteur, avoir un impact.

En résumé, six fondamentaux seraient à privilégier pour une vie heureuse

En premier lieu, appliquer une systématique attention, par la pratique de la pleine conscience et de la méditation, à ses pensées, développant notamment un esprit positif (vs négatif).
En second lieu, cultiver un amour sans condition et la compassion, en devenant moins autocentré et plus alter-centré, en donnant sans rien attendre en retour.

Voir aussi Les 6 fondamentaux du bonheur selon David Michie

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