Plus jamais victime

par | Nov 5, 2023 | 0 commentaires

Références:

Pradervand, Pierre

Plus jamais victime : victime ou responsable, je choisis

Jouvence

2021

Résumé

Ce petit opus est un hymne à la responsabilisation plus qu’un pamphlet à l’encontre de la victimisation ; il part de l’idée qu’une des décisions capitales de sa vie, c’est de savoir si on veut être victime de ses échecs ou responsable de sa réussite. La responsabilité est définie comme « la capacité à répondre avec intelligence, créativité et amour à toute circonstance qui se présente » (2021 : 13).

Pierre Pradervand met cependant en garde sur le fait que nous endossons toutes et tous, à un moment donné ou un autre de notre vie, un rôle de victime (ce qui n’est pas encore s’y complaire), et qu’il ne s’agit ni de critiquer ou ni de juger ces moments ; plus encore, il ajoute qu’« une personne qui est victime a besoin de compréhension et de compassion, pas de jugement » (2021 : 8).

1. Des distinctions fondamentales : victime résignée vs responsable non coupable

L’auteur introduit très vite une distinction « entre une personne qui est objectivement victime d’une situation qu’elle ne contrôle pas […] mais qui réagit de façon subjectivement responsable, et une autre personne qui se sent subjectivement victime des circonstances » (2021 : 13).

La personne à caractère plutôt victimisant aurait comme caractéristiques : « La soumission et la résignation, le fatalisme ; la victime s’apitoie sur elle-même, se plaint, est aigrie, révoltée, plutôt apathique et passive, voire déprimée ; elle est souvent défaitiste et évasive, se sent écrasée, est peu objective et plutôt fermée ; elle se remet rarement en question, est centrée sur elle-même, se sent impuissante, cherche l’approbation des autres, s’appuie sur des autorités extérieures à la sienne, est plutôt pessimiste. Elle rend souvent les autres responsables de ses problèmes. Elle voit ce qui ne marche pas (la tasse à moitié vide), plutôt que ce qui pourrait marcher (la tasse à moitié pleine). Elle cherche des excuses plutôt que des possibilités » (2021 : 37-23).
Plus loin, l’auteur ajoute que la personne qui se cantonne dans un rôle de victime s’apitoie entre autres pour recevoir une attention accrue (se complait) : « Certaines victimes sont passées maîtres dans l’art de manipuler leur entourage par leur maladie, un handicap, un deuil très lourd, un mauvais coup du sort, etc. » (2021 : 69).

Pierre Pradervand liste les grands thèmes dont on serait le plus fréquemment victime :

– Le manque de temps et d’argent (« fricophage »), souvent associé à une frénésie de possessions : « Beaucoup de personnes […] pourraient travailler considérablement moins si elles faisaient le choix de vivre plus simplement » (2021 : 87).
– Les problèmes de santé : « Ingurgiter médicament après médicament – plutôt qu’à supprimer dans mon mode de vie les facteurs qui me rendent malade » (2021 : 95).
– L’éducation, qui serait responsable de notre caractère, de notre carrière, de notre réussite, etc. L’auteur cite ainsi Un merveilleux malheur de Boris Cyrulnik : « Un malheur n’est jamais merveilleux. C’est une fange glacée, une boue noire, une escarre de douleur qui nous oblige à faire un choix : nous y soumettre ou le surmonter » (Cyrulnik 2002 : 21).
– Le système (bureaucratique, économique, juridique, sanitaire …). Certes, l’inertie de ces systèmes est colossale, mais l’auteur, évoquant une petite histoire rappelant « notre démission individuelle et collective », cite Edmund Burke, qui n’est pas sans rappeler la légende du colibri : « “Nul ne commit de plus grande erreur que celui qui ne fit rien, en prétextant qu’il ne pouvait faire qu’un petit peu” » (2021 : 107). Ainsi, « trop de personnes imaginent que leur contribution ne changera pas grand-chose à l’évolution du monde » (2021 : 111).

Tout ceci est résumé par la notion de « croyance au manque » : « manque de temps, d’amour, de santé, d’intelligence, d’espace, d’argent, de compétences, de possibilités, la liste est presque infinie » (2021 : 114). Prenant le contre-pied de ces croyances, Pierre Pradervand évoque la loi de l’abondance.

Une personne à caractère plutôt responsable aurait quant à elle les caractéristiques inverses, et l’un de ses principaux traits serait « qu’elle cherche toujours des solutions, plutôt que des excuses pour l’inaction » (2021 : 41-42).

L’auteur y ajoute une autre dimension toute aussi fondamentale : « On peut assumer la responsabilité d’une situation, sans admettre de culpabilité » (2021 : 13). Plus loin, il précise ses propos : « “Je suis entièrement responsable de tout ce qui entre dans ma vie”. Responsable, non au sens de l’avoir causé mais d’être capable de réagir ou d’y répondre avec intelligence, créativité et amour » (2021 : 50). Pierre Pradervand complète ses propos en précisant que « ce n’est que si vous ne vous sentez pas coupable que vous avez de bonnes chances de vous en tirer. La culpabilité est la mafia de l’esprit, contrairement au repentir ou au regret face à une erreur commise, qui sont des attitudes positives et adultes » (2021 : 13-14).

Fort de ce dernier constat, l’auteur conclut ainsi la synthèse de ces deux catégories de personnes :

« Celui qui veut faire quelque chose [= la personne responsable] trouve un moyen, celui qui ne veut rien faire [= la victime] trouve une excuse. » (proverbe arabe cité par l’auteur, 2021 : 24)

Pour illustrer ces éléments, il y aurait une distinction à faire entre manquer un bus (parce qu’on ne se serait pas donné assez de marge) et subir un tremblement de terre. Mais même la victime d’un tremblement de terre peut décider de réagir de manière responsable face à l’événement. Les exemples de Roger Mc Gowen et d’un avocat polonais présentés plus bas démontrent comment cette notion de choix face aux événements les plus tragiques est fondamentale, voire capitale (au sens de vie ou de mort).

2. Le parking payant, la zone de confort, les « ornières de l’habitude »

L’une des notions qui traverse les réflexions de l’auteur est la « zone de confort ». Ainsi, lorsque des personnages illustres (Gandhi, Martin Luther King, Mère Teresa), ou encore Roger Mc Gowen (voir ci-dessous), sont présentés comme des exemples d’attitudes responsables, l’argument « classique » est de répondre que ces personnes sont exceptionnelles, « ce qui permet aux gens de rester dans le “parking payant” (zone de confort) de l’immobilisme et du non effort » (2021 : 20-21).

Le parking payant ou la zone de confort sont des attitudes mentales qui « permettent aux gens de ne plus progresser, d’inventer des excuses pour un certain immobilisme. Les victimes sont typiquement des personnes qui sont garées dans des parkings payants, souvent très chers, y compris au niveau de la santé. Je les appelle “payants” parce que même si ces parkings peuvent être temporairement confortables – la voiture parquée n’affronte pas les risques du voyage – y séjourner est à la longue extrêmement onéreux en termes de développement personnel, de progrès dans la vie » (2021 : 43) :

« […] Au lieu d’utiliser notre intelligence pour sortir de l’ornière, nous utilisons la plupart de nos énergies pour rendre l’ornière plus confortable. » (2021 : 44)

La victime ferait ainsi « le choix passif de rester dans son parking payant » (2021 : 50), ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire de la grenouille dans la marmite : c’est confortable, mais coûteux à moyen ou long terme.

3. Un univers à la trame parfaite contre le hasard

Une autre famille de concepts est associée à la réflexion autour de la victimisation. D’un côté, faisant référence aux écrits de Elisabeth Kübler-Ross, parmi lesquels La mort est un nouveau soleil, l’auteur évoque le fait que « le principe d’harmonie qui dirige l’univers rend notre voie parfaite » (2021 : 32). Soulignant l’existence de réalités différentes selon le sens convoqué (« peut-être existe-t-il d’autres réalités que celles que livrent nos cinq sens, d’autres niveaux de conscience que ceux auxquels on accède fort laborieusement […] », 2021 : 33), il conclut que « nous habitons un univers dont la trame est fondamentalement parfaite » (2021 : 33).

D’un autre côté, et alors que ce concept d’un univers à la trame parfaite pourrait laisser penser qu’il est dès lors déterminé, avec tout l’arsenal fataliste qui l’accompagne, l’auteur s’inscrit en faux à tout diktat du hasard. Ainsi, dans sa « déclaration de responsabilité face à la vie », il précise : « Je refuse la croyance au hasard, qui est un des principaux mécanismes de déresponsabilisation de notre culture » (2021 : 47) :

« Je suis conscient que je crée ma propre réalité par ma façon d’accueillir et d’interpréter les évènements de la vie. Dans toutes les circonstances de la vie, je chercherai systématiquement les moyens et les solutions plutôt que les excuses et les refuges. Je préférerai l’ouverture et le risque plutôt que la passivité et la sécurité. » (2021 : 47)

4. Notre première liberté : le choix de nos croyances

Partant de cette prémisse fondamentale (« Je crée ma propre réalité par ma façon d’accueillir et d’interpréter les évènements de la vie »), l’auteur décline trois libertés. La première est le choix des croyances que nous faisons, affirmant que tout ce que nous faisons découle de nos croyances. Évoquant l’ouvrage Un corps sans âge, un esprit immortel (où est présentée une expérience qui démontrerait que notre corps déclinerait plus ou moins vite selon nos croyances), de Deepak Chopra, il observe que « même nos fonctions physiologiques sont en grande partie conditionnées par nos croyances » (2021 : 53). Le choix porterait donc sur une amélioration de croyances, en référence à l’ouvrage de Michael Misita, Se libérer des systèmes de croyances.

Selon l’auteur, tout un chacun se collerait une série d’étiquettes, souvent venues de son entourage et de son éducation, et une étiquette négative, ce serait « se définir par son passé » (2021 : 72). Or, en faisant référence à Vos zones erronées, de Wayne Dyer, il observe que « […] les étiquettes permettent d’éviter l’effort, d’éviter de prendre des risques ou de changer, de se responsabiliser. Elles perpétuent les comportements qu’elles ont engendrés, et, par là-même, les ornières de l’habitude » (2021 : 73).

5. Notre deuxième liberté : notre manière d’interpréter les événements

La deuxième liberté porte sur notre manière d’interpréter les événements. Partant du principe que la réalité n’existe pas, chacun construirait son univers à partir de sa propre manière d’interpréter les événements :

« […] Nous voyons beaucoup plus ce que nous croyons que nous ne croyons ce que nous voyons. » (2021 : 57)

Chacun attribuant un sens aux événements, la victime et la personne responsable auraient une lecture individuelle bien différente des événements. L’attitude de pensées déterminerait même la posture de victime ou de responsabilité d’un individu. Pierre Pradervand cite Marshall Rosenberg qui, dans Les mots sont des fenêtres, applique ce principe à l’insulte, comme dans le conte du samouraï insulté : « Ce ne sont pas les actes d’autrui, mais l’image et les interprétations que nous en avons à l’esprit qui provoquent notre colère » (cité par Pierre Pradervand, 2021 : 62). Ainsi, pour l’auteur, être victime est un choix :

« Quand on a vraiment compris, dans son for intérieur, que toute la vie est interprétation, que nous créons littéralement notre bonheur et notre malheur par la façon dont nous choisissons d’interpréter les évènements, parce que c’est nous qui choisissons la signification que nous donnons à tout ce qui nous arrive, on n’a plus jamais besoin d’être victime. » (2021 : 63)

La sentence est dès lors évidente : « La seule chose dont je puisse vraiment être victime est de moi-même. […] En d’autres termes, je ne peux être victime que de mes fausses croyances » (2021 : 72).

6. Notre troisième liberté : notre niveau de conscience et notre niveau d’attention

La troisième liberté porte sur le niveau de conscience et le niveau d’attention que nous décidons d’accorder aux autres et aux événements. Être dans l’instant présent, y compris au regard de nos propres pensées, serait nécessaire pour limiter le « bruitage incessant qui juge, évalue, compare, trie, spécule, critique, commente, aime, déteste, apprécie, soupèse, théorise à l’infini » (2021 : 67) :

« C’est une logorrhée verbale et mentale incessante. Notre pensée part presque toujours, soit du passé, soit alors elle se projette dans l’avenir, alors que l’on ne peut exister vraiment que dans le moment présent, dans la pleine conscience de l’instant avec sa richesse infinie. » (2021 : 67)

7. Sortir de son statut de victime : accepter avec gratitude et choisir l’amour inconditionnel

Parmi les « outils » proposés, Pierre Pradervand propose d’abord d’accepter tout ce qui arrive dans la journée, de dire « oui à absolument tout ce qui se présente dans votre journée » (2021 : 76), voire d’exprimer de la gratitude en remplaçant « oui » par « merci ». Il préconise ensuite d’assumer ses responsabilités (« je suis responsable de tout ce qui m’arrive ») et enfin d’avoir conscience que l’on a toujours le choix dans notre manière de percevoir les événements, mais également d’y réagir : « Une décision choisie, même dans les situations les plus contraignantes de la vie, constitue un des outils les plus puissants pour ne pas succomber à la tentation d’être victime » (2021 : 80).

Deux récits de vie démontrent de manière « extrême » comment cette notion de choix face aux événements, parfois les plus tragiques, est fondamentale.

Roger Mc Gowen, afro-Américain, est né en 1963 à Houston, Texas. Arrêté en 1986 pour un meurtre qu’il n’aurait pas commis, il est condamné à mort en 1987. Il quittera le couloir de la mort en 2012, mais demeura en prison. Pierre Pradervand, qui a consacré deux ouvrages à ce personnage hors norme (Message de vie : un condamné à mort témoigne ; L’audace d’aimer : une voie vers la liberté intérieure), dit de lui qu’il exprime un humanisme exceptionnel dans un environnement carcéral infernal et déshumanisant. Il rapporte ainsi ses propres propos : « […] J’ai réalisé que je devais prendre la responsabilité de mes propres actions, et que c’était la seule façon de ne plus me sentir victime… […] chaque journée et tout ce qu’elle contient est une bénédiction… Nous sommes responsables de tout ce qui entre dans notre vie, car ce que nous laissons entrer dans nos vies forme nos vies » (2021 : 16-17). Plus loin, l’auteur rapporte un autre commentaire de Roger Mc Gowen : « Je refuse de me courber devant la haine » (2021 : 19). Et d’ajouter : « Je me vois comme… capable d’aimer tout le monde, parce qu’en toute situation je cherche la leçon qu’elle contient, au lieu de les maudire quand ils sont dans leur tort… » (2021 : 64).

L’exemple d’un avocat polonais rapporté par le médecin George Ritchie est tout aussi édifiant. Fait prisonnier au début de la guerre 39-45, ce juif avocat passa six ans dans des camps de concentration. Il fut libéré par l’armée américaine, dont le médecin George Ritchie, à qui il racontera son histoire. Cette dernière est ainsi rapportée par Pierre Pradervand :

« Il était avocat et vivait dans la section juive de Varsovie, quand les Nazis arrivèrent et firent descendre tout le monde dans la rue. Comme l’avocat parlait allemand, ils le mirent de côté. Devant ses yeux, ils alignèrent le long du mur sa femme et ses cinq enfants, ainsi que les voisins et les descendirent à la mitrailleuse. Mais laissons la parole à l’avocat pour la suite du récit.
“J’ai dû décider à ce moment”, continua-t-il, “si j’allais me permettre de haïr les soldats qui avaient fait ceci. C’était en fait une décision facile. J’étais avocat. Dans ma pratique, j’avais trop souvent observé ce que la haine pouvait faire aux esprits et aux corps des gens. La haine venait de tuer les six êtres qui m’étaient les plus chers au monde. À cet instant, j’ai décidé que je passerai le reste de ma vie – fut-ce quelques jours ou de nombreuses années – à aimer toute personne avec qui j’entrerais en contact.” » (2021 : 82)

En conclusion, l’auteur invite à endosser ses responsabilités (non pas de l’évènement, mais de sa réaction face à l’évènement), à accueillir l’événement en se libérant de ses croyances et finalement à l’affronter avec intelligence, créativité et amour.

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