Vos zones erronées

Références:
Dyer, Wayne-W.
Vos zones erronées : Changez vos pensées et reprenez le contrôle de votre vie
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2014
Résumé
Dans cet ouvrage décapant, Wayne-W. Dyer, docteur en psychologie, passe en revue les pensées limitantes, qui enferment dans des carcans de croyances et d’habitudes. L’auteur prend toutefois une précaution liminaire : en lisant ce livre, on pourrait n’y trouver que ce que l’on saurait déjà, que ce que l’on croit déjà savoir, et par là-même écarter tout ce qui pourrait nous embarrasser, nous déranger, ébranler nos croyances, à l’aune du conte du ver alcoolique livré en introduction.
Mais dès l’introduction aussi, l’auteur présente sa démarche comme une manière de dépasser ses croyances et ses pensées limitantes pour accéder à la vérité. Plus largement, cette démarche viserait à accéder à « l’art de parvenir au bonheur » (2014 : 15), à l’instar des personnes, décrites dans le dernier chapitre, qui auraient éliminé toute zone erronée. Les notions de malheur et de bonheur traversent donc l’ouvrage, car les zones erronées mèneraient au malheur et s’en libérer conduirait au bonheur : « Le bonheur, c’est facile, mais apprendre à ne pas être malheureux peut se révéler difficile » (2014 : 35), car cela supposerait de s’être défait de ses pensées limitantes.
Enfin, passant en revue les différents types de zones erronées (comportements autodestructeurs affiliés, origines de tels comportements, puis remèdes pour en sortir), l’auteur met en exergue deux éléments cardinaux :
– D’une part, la prise de conscience que les émotions vécues relèveraient d’un choix : « Il faut impérativement que vous croyiez en votre capacité de réagir émotionnellement à tout instant de votre vie, comme vous l’aurez choisi » (2014 : 27). Il s’agirait dès lors en tout premier lieu d’arrêter de croire « qu’on ne contrôle pas ses sentiments, mais qu’on les subit » (2014 : 27). En d’autres termes, les sentiments ne seraient pas des « servitudes de l’existence ».
– D’autre part, la prise de conscience de l’importance de vivre l’instant présent, sans tomber dans le diktat de vivre l’instant présent : « Vivez dans l’immédiat et tout ira mieux, affirment ceux qui n’ont jamais eu à se poser la question » (Cyrulnik 2002 : 144).
La gestion des émotions
« Vous avez appris une foule de maximes destinées à masquer le fait que vous êtes maître de vos sentiments » (2014 : 32), parmi lesquelles vous m’agacez, il me rend malade, l’altitude me terrifie, le mauvais temps me déprime… Ces modes de pensées et l’idée de concevoir nos sentiments comme extérieurs à soi-même ôteraient toute responsabilité à choisir et à contrôler ses émotions. À noter qu’à l’inverse, et au même titre que nous serions responsables de nos propres sentiments, il ne nous encombrerait pas de rendre les autres heureux, étant eux-mêmes responsables de leurs propres émotions (2024 : 306).
Plus précisément, les émotions seraient une réaction physique provoquée par une pensée et, étant donné que nous serions seuls responsables de nos mécanismes mentaux, nous serions seuls responsables de nos émotions :
« Si vous contrôlez vos pensées et si vos sentiments procèdent de vos pensées, vous êtes capable de les contrôler. Et vous contrôlez vos sentiments en agissant sur les pensées qui les ont précédés.
Bref, vous croyez qu’on vous rend malheureux, mais c’est inexact. C’est vous-même qui vous rendez malheureux par ce que vous pensez des gens et des choses qui entrent dans votre vie. Devenir un être libre et sein exige d’apprendre à penser autrement. » (2014 : 31)
On peut ainsi être conditionné à être malheureux, en fonction des circonstances, alors que finalement, c’est un choix.
Outre ce réflexe conditionné face à certaines situations (l’insulte, la mort, une rupture, un bouchon sur la route, une météo pluvieuse, etc.), une autre raison de cette croyance selon laquelle nos sentiments seraient extérieurs à soi-même est la compassion que cela attire :
« D’autres capitulent tout simplement et se résignent à une existence misérable parce que les dividendes de compassion qu’elles reçoivent sont supérieurs aux intérêts à escompter du bonheur. » (2014 : 38)
Il s’agirait donc de désapprendre à penser négativement, à se dénigrer soi-même, à se plaindre ou encore à avoir besoin de l’approbation des autres…
La colère
Au chapitre 11, l’auteur fait un petit arrêt sur la question de la colère, en tant qu’émotion et pensée négative. En effet, bien souvent, la colère empêcherait de dire, d’éprouver ou de faire quelque chose, ce qui serait l’indicateur d’un blocage face à un événement qui ne répondrait pas à ses attentes, non conforme à ses espérances, et qui créerait ainsi de la frustration (voire de la honte face à un échec). Son origine serait une forme de frustration ainsi résumée :
« Le seul antidote à la colère consiste à éliminer cette petite phrase intérieure : “Si seulement vous me ressembliez davantage !” » (2014 : 309)
L’auteur donne pèle mêle les exemples de la circulation automobile, des jeux de compétition, d’un manque de ponctualité, d’un manque d’ordre (égarer des choses), d’objets inanimés (ordinateur ne réagissant pas comme souhaité, se cogner contre une table…), des impôts, de la météo, etc.
La colère, qui se manifesterait à travers de la violence verbale ou physique, du sarcasme, de la moquerie ou encore du silence, serait d’abord un choix, voire une habitude (conte de la palissade), ne serait donc pas un « attribut fatal et, s’agissant de la conquête du bonheur et de l’accomplissement de soi, elle n’est d’aucun secours » (2014 : 309) :
« La contrariété, l’irritation et la déception sont des sentiments que vous continuerez très vraisemblablement d’éprouver car le monde ne tournera jamais comme vous le voudriez. Mais il est possible d’extirper cette réaction préjudiciable qu’est la colère. » (2014 : 311)
L’auteur ne demande pas de ne jamais se mettre en colère, mais à ceux qui prétendraient que ne pas donner libre cours à sa colère aurait un impact négatif sur sa santé (ulcère par exemple), l’auteur répond que « certes, la libérer est plus sain que la refouler. Mais il y a une solution plus saine encore : ne pas se mettre du tout en colère » (2014 : 310).
Plusieurs voies sont évoquées pour éviter la colère, qui suppose d’abord d’observer ses pensées lorsque la colère semble s’approcher. Parmi celles-ci, on peut signaler premièrement le fait de penser autrement, d’accepter que les autres puissent penser ou agir autrement que ce que l’on souhaiterait :
« Peut-être désirez-vous apprendre à libérer votre colère au lieu de la refouler mais le but ultime est d’apprendre à penser autrement, à penser d’une manière qui ne créera pas la colère. » (2014 : 314)
Deuxièmement, la colère étant un bon moyen pour manipuler les autres, qui se croient dès lors sous notre emprise, elle peut être un outil de domination. Pourtant, elle a souvent pour effet d’inciter l’autre à persévérer dans sa conduite. De plus, finalement, se mettre en colère donne du pouvoir à l’autre, qui pourra dès lors vous faire mettre en colère à sa guise. Au contraire, « vous pouvez apprendre à considérer avec détachement la conduite et les idées des autres, et leur dénier le pouvoir de vous troubler » (2014 : 315).
Troisièmement, la colère provient très souvent d’une frustration, d’une attente non satisfaite. Pour l’éviter, outre de ne plus avoir d’attentes (acceptation), un bon moyen est d’anticiper ces occasions de frustration. Par exemple, tenir un « journal de la colère » (2014 : 324) qui répertorie les moments de colère, leur contexte et leurs éléments déclencheurs, pourrait être un outil pour mieux anticiper, comprendre et ainsi gérer ses colères. Plus encore, « au lieu d’être émotionnellement esclave de toutes les circonstances engendrant un sentiment de frustration, voyez dans la situation où vous vous trouvez un défi à relever » (2014 : 326).
Quatrièmement, il serait possible de cultiver l’humour : « Il est possible d’être en colère et de rire en même temps » (2014 : 315). Favoriser le rire, voire « aider les autres à choisir de rire et apprendre à prendre du recul pour observer l’incongruité de la plupart des situations est un excellent remède à la colère » (2014 : 315) :
« Choisir le rire ou choisir la colère n’a guère d’importance si ce n’est que le premier vous apportera la joie et que la seconde vous rendra malheureux. » (2014 : 316)
Cinquièmement, il faudrait créer un espace temporel (voire spatial) entre l’événement et la réaction de colère, à l’aune du conte du remède contre la colère : « Différer la colère, c’est la maîtriser et, à la longue, vous finirez par l’éliminer entièrement » (2014 : 323) ; « Les dix secondes initiales sont les plus critiques. Passé ce laps de temps, la colère s’est souvent évanouie » (2014 : 325).
Vivre l’instant présent
Être gouverné par ses émotions négatives comporte son lot d’effets néfastes, de blocages, qui vont du mal de dos à l’insomnie et à la dépression (2014 : 45). Et l’une des manières de lutter contre ces blocages serait de se concentrer sur l’instant présent.
Tout le paradoxe de la vie, ce serait de vivre à la fois comme si on était éternel et comme si c’était le dernier jour (conte du vagabond et du jardinier). Wayne-W. Dyer observe cependant que le diktat de se préparer au futur (faire des économies, préparer sa retraite…) aurait pour conséquence de « fuir l’instant présent [qui] est devenu une maladie propre à notre civilisation » (2014 : 47). Et cela serait d’autant plus vrai du bonheur, que l’on aurait tendance à repousser au lendemain, dans un avenir idéalisé, et qui finalement nous échapperait toujours :
« Les personnes qui admettent que les problèmes font partie de la condition humaine et pour qui l’absence de problèmes ne constitue pas la mesure du bonheur sont les êtres les plus intelligents qui existent. » (2014 : 27)
Le bonheur se trouverait donc dans l’instant présent, sans courir après un bonheur futur, tel le petit chat dans le conte du petit chat et du gros matou : «“ Rien au monde ne rend le bonheur aussi inaccessible que le fait de se lancer à sa poursuite” » (June Callwood, cité par Dyer 2014 : 346).
Les deux principales émotions négatives qui éloignent de l’instant présent
« Si vous croyez qu’il suffit de se tourmenter assez longtemps pour changer un évènement passé ou un évènement à venir, c’est que vous habitez une autre planète où la réalité est différente. Les deux émotions les plus vaines qui peuvent exister dans la vie, c’est regretter ce qui a eu lieu et se faire de la bile pour ce qui pourrait avoir lieu. » (2014 : 139)
Le présent serait ainsi pris en tenaille entre un passé (et les culpabilités) et un futur (et les tracas). Culpabilités et tracas bloqueraient le présent, empêcheraient de vivre l’instant présent, et seraient ainsi « les deux façons d’être malheureux les plus fréquentes » (2014 : 140).
Concernant le sentiment de culpabilité (passé), l’auteur invite à le distinguer des leçons du passé : « Si vous tirez simplement des leçons du passé dans le but de ne pas retomber dans tel ou tel comportement déterminé, il n’y a pas de culpabilisation. […] Tirer la leçon des erreurs que l’on a commises est sain, c’est une indispensable condition de notre épanouissement. Le sentiment de culpabilité, en revanche, est malsain parce que l’on gaspille son énergie dans le moment présent à cause d’un évènement passé qui nous ronge et nous démoralise. Et ce n’est pas seulement malsain : c’est inutile » (2014 : 142-143).
On retrouverait par ailleurs la culpabilité, tant comme victime que comme bourreau, dans nombre de situations, parmi lesquelles les relations familiales, l’école ou encore la religion. Avec toujours pour avantages de justifier de ne pas engager d’efforts pour changer, de se déresponsabiliser, de reporter la responsabilité sur l’autre, de se plaindre et de se faire plaindre… Mais « comme toutes les autres émotions minorisantes, la culpabilisation est un choix, une chose que l’on contrôle » (2014 : 157).
Concernant le sentiment d’inquiétude (futur), l’auteur le définit comme un blocage du présent par des événements incertains et sur lesquels nous n’avons souvent aucune prise, avec les mêmes désavantages que la culpabilité. L’auteur apporte toutefois très vite une distinction :
« Il ne faut pas confondre le fait de se faire du souci pour l’avenir et le fait de faire des projets d’avenir. Faire des projets, c’est préparer un avenir plus efficace, ce n’est pas s’inquiéter du lendemain. » (2014 : 163)
Deux avantages apparents de l’inquiétude pourraient être relevés : d’une part, elle pourrait servir d’alibi pour pratiquer l’immobilisme, pour éviter de prendre des risques, pour éviter de changer ; d’autre part, lorsque l’on s’inquièterait pour les autres, on semblerait leur témoigner de l’amour. Et de conclure : « Le meilleur antidote à l’inquiétude est l’action » (2014 : 172).
Désapprendre
Outre ces deux éléments cardinaux liés aux différents types de zones erronées (reprendre le contrôle de ses émotions ; vivre l’instant présent), l’auteur invite à apprendre à penser autrement, à générer des émotions différentes.
Pour cultiver cette voie conduisant au bonheur, l’auteur propose différentes pistes permettant se défaire de ses zones erronées, de ses pensées limitantes, avec comme leitmotiv de désapprendre des habitudes de pensées.
Désapprendre à chercher l’approbation des autres
Se respecter soi-même supposerait de renoncer à l’approbation des autres, tant dans ses pensées que dans ses actes. Si les compliments et les louanges ne seraient pas négatifs, ils le deviendraient lorsqu’ils seraient « un besoin au lieu d’être un désir » (2014 : 83). L’auteur précise cet élément : « La louange est agréable et l’approbation pleine de charme. Votre objectif, c’est de ne pas souffrir quand on ne vous applaudit pas » (2014 : 116).
Mettre de l’eau dans son vin, retourner sa veste, changer d’avis, édulcorer ses opinions, tout cela pour rester en bon terme ou dans les petits papiers de son interlocuteur, serait ne pas se respecter soi-même. Ce serait un phénomène de groupe assez classique, tant au sein de sa clique de copains que dans les cercles religieux ou politiques : cela créerait un sentiment d’appartenance, voire de popularité, mais intérieurement, on serait déchiré. Pire encore, « plus vous avez besoin d’être flatté, plus vous pouvez être manipulé par les autres » (2014 : 88).
Faisant écho au conte du petit chat et du gros matou, l’auteur pointe le paradoxe de cette recherche d’approbation : « Ainsi, si vous recherchez l’approbation générale, et tout le paradoxe est là, la manière la plus efficace pour parvenir à vos fins est de ne pas la solliciter, de ne pas la pourchasser et de ne pas exiger la sanction de chacun. En étant en accord avec soi-même et en se référant à une image positive de soi, on recueille davantage l’approbation » (2014 : 109-110).
Désapprendre à se plaindre
S’accepter soi-même, indépendamment de ce que les autres peuvent penser de soi (2014 : 68-69) serait également en lien direct avec la plainte : « Gémir est le refuge de ceux qui n’ont pas confiance en eux » (2014 : 71). L’auteur donne un exemple concret de deux complaintes, infections de notre temps :
« Il a deux cas où ces doléances sont particulièrement mal venues : 1) Quand vous dites à quelqu’un que vous êtes fatigué. 2) Quand vous dites à quelqu’un que vous ne vous sentez pas très bien. […] Il est inutile de vous lamenter devant des personnes qui ne peuvent rien faire sinon supporter vos récriminations. » (2014 : 72)
Certes, cela encouragerait l’apitoiement et ainsi l’attention des autres, cela fournirait une belle excuse pour végéter devant la télévision, mais cela bloquerait le bonheur. Il faudrait au contraire décider de ne plus se sentir fatigué avant le moment de se coucher.
Désapprendre à se croire déterminé par son passé
« Vous êtes ce que vous choisissez d’être aujourd’hui, non ce que vous avez choisi d’être hier » (2014 : 117) :
– Ressasser son passé et ses échecs, et croire que l’on est déterminé par eux ;
– Se lamenter des traumatismes ou des injustices vécus dans son passé et croire qu’ils nous définissent ;
– Croire aux petites étiquettes que l’on nous a collées (ou que vous vous êtes collé) dans l’enfance (timide, paresseux, stupide, laid, maladroit, entêté, peureux…) et plus tard (« je suis trop vieux pour »…) ;
– Etc.
Ces étiquettes sont un confortable alibi pour ne pas changer ; elles « vous permettent de ne pas faire l’effort et de ne pas prendre le risque de changer » (2014 :130). Ainsi, au lieu de dire « Je suis comme ça », « Je n’y peux rien », « j’ai toujours été ainsi », il faudrait dire « J’étais comme ça », « Je peux changer si j’ai fait l’effort voulu », « Je vais être autrement » (2014 : 134). Cette posture deviendrait un mantra pour remettre en question ses limites et les dépasser, tenter de nouvelles choses, et finalement, apprendre.
Désapprendre la prudence
« La façon dont on éduque l’enfant dans notre société tend à encourager la prudence aux dépens de la curiosité, la sécurité aux dépens de l’aventure » (2014 : 177). Au-delà de personnalités qui n’avaient pas peur d’affronter l’inconnu, comme Benjamin Franklin, Léonard de Vinci, Albert Einstein, Galilée, Winston Churchill (personnes citées par Wayne-W. Dyer), « être disponible pour de nouvelles expériences implique de renoncer à l’idée qu’il vaut mieux se résigner à quelque chose qui vous est familier plutôt que de s’efforcer de le changer parce que le changement est lourd d’incertitudes » (2014 : 180). Il s’agit véritablement d’un hymne au développement de ses facultés de résilience :
« Vous aurez beaucoup plus de chances d’échapper à l’effondrement psychologique si vous élaguez quelque peu la routine et la monotonie qui sont le tissu de votre vie. L’ennui est débilitant et psychologiquement malsain. » (2014 : 180)
Il s’agirait dès lors d’être ouvert, d’être disponible à la nouveauté, que ce soit d’expérimenter un nouveau sport, de découvrir une nouvelle ville, d’organiser un voyage sans véritable plan préalable (se laisser surprendre…), d’apprendre une langue étrangère, de déguster des plats qui nous sont exotiques, de choisir de nouveaux types de lecture, de rencontrer de nouvelles personnes, si possible ayant des points de vue différents des siens (sur la politique, l’écologie, le naturisme, l’homosexualité, le racisme, la religion…). L’auteur ajoute d’autres exemples, comme le fait de garder le même travail (alors qu’on s’y enlise, telle la grenouille dans sa marmite), ou le même conjoint (alors que le couple est en mort cérébrale)…
Parallèlement, il s’agirait aussi de se défaire de ses préjugés et de la peur paralysante de l’inconnu, car la sécurité serait l’absence d’enthousiasme, l’absence de défis, l’absence de vie, et subséquemment un renoncement à se développer, à s’enrichir, à vivre avec intensité.
On se retrouverait ici au cœur même des aptitudes de résilience, résilience qui pourrait alors être définie comme le développement de sa sécurité intérieure. Face aux changements perpétuels, face à l’impermanence de toute chose, première des quatre nobles vérités du bouddhisme, la sécurité extérieure serait un traquenard. À l’inverse, la sécurité intérieure serait la seule vraie sécurité face à l’adversité, dont on ne peut échapper. Si la sécurité extérieure est un piège et un leurre, la sécurité intérieure serait en revanche un atout :
« La sécurité interne, c’est-à-dire le fait de se croire capable d’affronter tout ce qui risque de subvenir, [est] la seule sécurité réelle. » (2014 : 187)
L’auteur va jusqu’au point de remettre en question le perfectionnisme, voire même l’un des quatre accords toltèques, à savoir « Fais de ton mieux ! », en disant de lui qu’il est « la pierre angulaire de la névrose de l’exploit. […] Pourquoi ne pas faire une chose simplement parce qu’on en a envie sans chercher à repousser ses limites ? » (2014 : 190). Au-delà de l’esprit de compétition que les médias et sociétés actuels distillent, l’auteur dénonce « l’idée pernicieuse selon laquelle ce sont les échecs qui sont l’étalon de la valeur personnelle » (2014 : 192) :
« Chose plus dangereuse encore, il peut alors développer des habitudes malfaisantes : se sous-estimer, solliciter l’approbation, se culpabiliser, bref, adopter les comportements négatifs indissolublement liés au complexe d’infériorité.
Mesurer sa valeur à l’aune de l’échec et du succès, c’est se condamner fatalement à se considérer comme peu de choses. » (2014 : 193)
Observant que la réussite et le succès sont stériles et que la seule chose qui nous permette d’apprendre est l’échec, l’auteur conclut : « Sans les échecs, nous ne pouvons rien apprendre et, pourtant, nous avons appris que le seul critère valable était la réussite » (2014 : 193). Paradoxalement, en s’engageant dans des actions connues, maîtrisées, on a plus de chance de réussir, ce qui peut donner un sentiment d’importance et de valeur : « Aussi longtemps que vous pensez en termes d’échec ou de succès, le critère de votre valeur personnelle sera votre réussite et cela vous mettra du baume au cœur » (2014 : 200). Au contraire, il faudrait cultiver la nouveauté en lieu et place de la routine, et rechercher le défis (au risque de l’échec) plutôt que la routine (avec la garantie toute relative de la réussite).
Désapprendre les règles et les principes
Si les règles et les principes dictés par la société ne sont pas nécessairement inutiles, qu’il faut s’y adapter, on se devrait aussi de porter un regard critique et de « juger de leur utilité ou de leur inutilité » (2014 : 209). L’auteur distingue les personnes extérieurement motivées des personnes intérieurement motivées.
Les premières seraient conditionnées par l’environnement et les contraintes extérieures. Elles considéraient les autres comme responsables de leur situation, soit en les blâmant, soit en les idolâtrant (recherche d’approbation) : « […] Attribuer vos sensations de malaise à des causes extérieures renforce votre esclavage » (2014 : 243). Elles se plieraient également à la « tyrannie des impératifs » (il faut, je dois…), aux convenances, à l’obéissance aveugle aux cadres réglementaires, sans avoir la capacité de les enfreindre lorsque cela devient nécessaire (« Les lois et les règles intelligentes ne sont pas applicables en toutes circonstances », 2014 : 229).
Les deuxièmes, au contraire, prendraient le contrôle de leur vie : « Être efficace, ça ne veut pas dire éliminer tous les problèmes de l’existence mais substituer le contrôle interne au contrôle externe » (2014 : 215), à savoir être responsable de ses expériences émotionnelles, de ses pensées, de ses sentiments et de son comportement, alors que très souvent les personnes extérieurement motivées considèrent ces éléments comme déterminés par l’environnent et les « autres ».
Parallèlement à cette polarité externe-interne, Wayne-W. Dyer évoque le « piège de la justice », une forme d’obsession de justice, qui mène à une impasse : « Nous sommes conditionnés à chercher la justice dans l’existence et quand nous ne la trouvons pas, nous nous indignons, nous sommes anxieux et nous nous sentons frustrés » (2014 : 247), ce qui n’est pas sans rappeler Polochon dans Qui a piqué mon fromage ? Là encore, les personnes extérieurement motivées vont se révolter contre ce qu’elles estimeront être des injustices, y compris les inondations, les tsunamis, la pauvreté, la guerre, la corruption, la prostitution, la drogue… De l’autre côté, les personnes intérieurement motivées vont « lutter pour le triomphe de la justice et décider de ne pas être psychologiquement bloqué[es] par l’injustice » (2014 : 249). On retrouve là encore les mêmes penchants liés au diktat de la justice, le couple justice-injustice permettant de tirer de la vanité de son intégrité, d’attribuer à des personnes ou à des évènements la responsabilité de situations dont on serait victime, d’attirer l’attention et la compassion des autres sur sa situation, en s’apitoyant sur son sort injuste, etc… Plus encore, ce couple permettrait des conduites immorales et justifierait la vengeance, alors que « […] « se venger n’est rien de plus qu’un moyen parmi d’autres de se mettre sous la coupe d’autrui » (2014 : 262).
Les personnes intérieurement motivées n’évoqueraient pas le principe de justice, accepteraient la réalité, sans nécessairement l’approuver, et agiraient, dans leur périmètre d’action, pour résorber ces iniquités, sans pour autant se lamenter.
Désapprendre à tergiverser
Procrastiner est un moyen pour se donner bonne conscience en repoussant l’action au lendemain, en caressant parfois la croyance selon laquelle les problèmes vont se résoudre par eux-mêmes. Au contraire, plutôt que de se dérober, il faudrait s’engager dans les tâches rébarbatives ou nécessitant des décisions (énergivores) au début, en début de journée par exemple… Car les choses ne risquent de s’améliorer que si nous entreprenons quelque chose pour les améliorer. Parmi les « conduites dilatoires », l’auteur cite pèle-même : ne pas quitter un emploi ; s’accrocher à des relations ; refuser de s’attaquer de front aux difficultés ; ne pas lutter contre l’alcoolisme ; remettre à plus tard les corvées ; utiliser l’argument de la fatigue pour remettre les choses à plus tard ; tomber subitement malade ; affirmer ne pas avoir le temps ; ne pas faire un bilan de santé…
La procrastination devient ainsi un puissant argument pour justifier l’échec : ne pas étudier explique l’échec aux examens, alors que si nous avions travaillé assidument, nous serions responsables de l’échec, avec des conclusions comme « ne pas être suffisamment intelligemment pour réussir ».
Désapprendre à être dépendant
Au même titre que l’approbation, « la vipère de la subordination est partout présente dans la vie […]. Être psychologiquement indépendant, c’est être entièrement affranchi de toute relation obligatoire, c’est avoir une conduite qui ne soit pas dictée par les autres » (2014 : 281) :
« Être psychologiquement indépendant implique que l’on n’a pas besoin des autres. Je précise : besoin. Désirer leur présence est toute autre chose. À partir de l’instant où l’on a besoin d’eux, on est vulnérable, on est esclave. » (2014 : 282)
L’exemple classique serait celui de ses propres enfants, chez lesquels on souhaiterait développer le respect d’eux-mêmes, leur confiance en eux, leur autonomie… Mais « si vous êtes de ceux qui se sacrifient, vous leur inculquez le goût du sacrifice » (2014 : 284-285). Il en va de même des relations de couple, plus souvent fondées sur la dépendance que sur l’amour et l’indépendance : à titre d’exemple, il faudrait rechercher son indépendance financière et ne pas être redevable à l’autre.
L’auteur observe au passage que « si l’on vous malmène, c’est que vous émettez des messages dont la traduction est : « Malmenez-moi » (2014 : 299). Dans ces situations, l’auteur préconise de faire part de ses sentiments à la personne qui maltraite, puis d’agir comme vous souhaitez le faire.
Portrait d’une personne libérée de ses pensées limitantes
Fort des deux principes cardinaux :
– prendre en main ses émotions,
– vivre l’instant présent,
et du dépassement de diverses pensées limitantes en désapprenant :
– à chercher l’approbation des autres,
– à se plaindre,
– à se croire déterminé par son passé,
– la prudence (important pour résilience),
– les règles et les principes,
– à tergiverser,
– à être dépendant,
Wayne-W. Dyer dresse le portrait d’individus qui se seraient défaits de leurs pensées limitantes, qui n’obèreraient ni leurs pensées ni leur conduite. Ces individus :
– aimeraient tous les aspects de la vie, ne se plaindraient ni des autres, ni du temps qu’il fait, et, rarement en colère, prendraient les choses comme elles viennent (accueil vs résistance) ;
– énergiques et rarement fatigués, ils ne connaîtraient pas l’ennui mais une « intense curiosité les dévore » (2014 : 342) ;
– cultivant leur paix intérieure, ils seraient résilients, ne se sentant pas émotionnellement impliqués dans les problèmes et ne les polarisant pas : « Ils ne redoutent pas l’échec. En fait, ils lui font souvent bon accueil » (2014 : 343) ;
– affranchis de tout sentiment de culpabilité, ils ne chercheraient pas à culpabiliser les autres ;
– sans craindre l’inconnu et l’incertitude, ils seraient fortement centrés sur l’instant présent ;
– vivant dans l’instant présent, ils seraient très ancrés dans l’attention et la gratitude ;
– ne craignant pas d’être seuls et préférant la nature aux mondanités, ils seraient sélectifs dans leurs relations et cultiveraient l’indépendance ;
– ne rechercheraient ni notoriété, ni louanges, mais inversement, prêteraient peu d’attention aux critiques, privilégiant la franchise-sincérité à la duplicité et l’humour à l’agressivité ;
– enfin, étiquetés parfois d’hédonistes ou d’égoïstes, ils se consacreraient très largement aux autres.
Le bonheur se trouvant dans l’instant présent, ils auraient compris que « rien au monde ne rend le bonheur aussi inaccessible que le fait de se lancer à sa poursuite » (June Callwood , cité par Dyer 2014 : 346), tel un chat après sa queue.
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