La proactivité

par | Fév 18, 2021 | 0 commentaires

Stephen Covey, auteur des 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, considère la proactivité comme la plus fondamentale des habitudes : « […] Ce qui importe le plus, c’est la façon dont nous répondons à ce que nous vivons » (Covey 2005 : 105).

Cette perspective se retrouve chez nombre d’auteurs, parmi lesquels Spencer Johnson: « Peaks and valleys are not just the good and the bad times that happen to you. They are also how you feel inside and respond to outside events [Les sommets et les vallées ne sont pas seulement les bons et les mauvais moments qui vous arrivent. Ils sont aussi la manière dont vous vous sentez intérieurement et dont vous réagissez aux événements extérieurs] » (Johnson 2009 : 18). Dans le même sens, dans Le Guerrier pacifique, Dan Millman observe que le guerrier agit, alors que le fou se contente de réagir : « Je te frappe et tu t’énerves ; je t’insulte et tu réagis par l’orgueil et la colère » (Millman 1998 : 34). Il ajoute : « Tes sentiments et tes réactions, Dan, sont automatiques et prévisibles ; pas les miens. Je crée ma vie d’une manière spontanée ; la tienne est déterminée par ton passé » (Millman 1998 : 34).

La philosophie rationaliste de Spinoza ajoute qu’elle est la seule voie de la vraie connaissance, permettant de sortir de ses pensées limitantes et de ses illusions : « Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre. […] Nous pourrons porter un regard rationnel, juste, est donc apaisé, sur toute situation. Cela n’enlève pas la condamnation ou la critique de telle ou telle action, mais on envisagera, par exemple, un crime comme on considérera un tremblement de terre » (Lenoir 2019 : 21-22). 

Elle est aussi parfaitement illustrée par le conte du vieux sage assis sur un banc. Métaphysiquement, cela renvoie ainsi à sa capacité de changer d’univers : la manière dont on réagit aux événements déterminera l’univers dans lequel on évoluera ensuite. « N’accuse pas le puits d’être trop profond. C’est la corde qui est trop courte » (proverbe indien). La proactivité serait en réalité à l’origine même de la souffrance :

« C’est parce que je réagis automatiquement, instinctivement, aux sensations et à la situation que je rentre dans le schéma de l’attachement et de l’aversion, et donc de la souffrance. Il est d’autant plus important de repérer cette réactivité qu’elle est répétitive : si on réagit toujours de la même manière face à la peur, cette dernière s’ancre d’autant plus fortement en nous […]. » (Miquel 2017 : 62)

Être proactif, c’est donc être capable de surpasser le réflexe stimulus-réponse : la proactivité se concrétise par l’espace accordé entre le stimulus et la réponse et par le choix de cette réponse, borné par ses valeurs : « Avant de réagir, il faut apprendre à marquer un temps d’arrêt, même très court, pour stimuler sa conscience de la situation et se demander si les conditions requièrent d’aller avec ou contre l’agression, de se comporter en pilote de ballon ou en pilote d’avion de chasse » (Piccard 2014 : 86). 
Il en ressort que face à des événements ou des environnements semblables, une personne plutôt réactive ou plutôt proactive réagira différemment. Tiraillé constamment entre ces deux polarités (on n’est jamais totalement l’un ou l’autre), il s’agit de développer un réflexe de proactivité : 

Personne plutôt réactive Personne plutôt proactive
Faiblement anticipatrice, elle subit et réagit aux événements, souvent en endossant un rôle de victime face à ce qu’elle considère comme étant une injustice. Fortement anticipatrice, elle pare aux événements et choisit comment agir ; résiliente, elle peut même provoquer certains événements.
Rejette souvent la faute sur les autres ou sur les circonstances. Assume pleinement la situation, prends sur soi et voit ce qu’elle peut changer.
Subit et se plaint des personnes et circonstances désagréables de la vie, à l’instar de Polochon ; sa vie est déterminée par les événements et par les autres, qu’elle considère souvent comme responsables de la situation, qu’elle blâme et auxquels pourtant elle se plie. Prend l’initiative face aux personnes et circonstances désagréables de la vie, sans se plaindre et de manière créative, à l’instar de Baluchon ; elle prend sa destinée en main et avance avec son libre-arbitre.
Se laisse porter par les courants et les marées. Sais parfois nager à contre-courant : « Les poissons morts flottent dans le courant ; les poissons vivants nagent parfois à contre-courant ».
Manquant de confiance en soi, elle est facilement influençable ou refuse le débat. Ayant confiance en soi, elle n’est pas influençable, tout en sachant débattre.
Change facilement de comportement en fonction des personnes autour d’elle. A un comportement constant, quelles que soient les personnes autour d’elle.
Change d’avis selon les personnes autour d’elle ou selon l’avis plus grand nombre ; est de l’avis du dernier qui a parlé ; peut être entêtée ; privilégie la falsification de préférences. Sais garder une position en regard de ses valeurs, tout en étant prête à changer d’avis lorsqu’elle le juge opportun.
Préfère laisser les autres prendre les décisions. Prends les décisions la concernant et en assume la responsabilité.
A souvent le nez dans le guidon et la tête dans le sable. Est capable de prendre l’hélicoptère.
Rencontre des difficultés à se remettre en question ; se voit plus comme le jouet des circonstances et des personnes que comme véritable acteur de sa vie. Est capable de réflexivité sur soi-même ; se décentre pour devenir le spectateur de soi-même (en tant qu’acteur) : descend de vélo pour se regarder pédaler.
Réagit, sans laisser de temps entre stimulus et réponse. Respire et laisse du temps entre stimulus et réponse.
Répond du tac au tac ; répond à des e-mails agaçant dès leur lecture… Prend le temps de la réflexion avant de répondre ; répond aux e-mails agaçants en laissant passer 24 heures…, voire les place d’abord dans une boîte « agaçant ».
Se détourne de ses valeurs, pour se rallier à celles du plus grand nombre. Intègre, demeure consistante au regard de ses valeurs, quitte à être minorisée.
Est influencée par les éléments relevant de sa zone de contraintes. N’est pas influencée par les éléments relevant de sa zone de contraintes.
Se concentre sur sa zone de contraintes qui l’envahit et endosse un rôle de victime, en s’affublant parfois du costume du héros. Concentre ses efforts sur sa zone d’autonomie, puis sur sa zone d’influence, dont elle vise à élargir les frontières.
Est affectée par la météo, minée par le mauvais temps ; est lunatique. Demeure imperturbable face à la météo ; est d’humeur constante.
Peut retourner sa veste ; « lâche » ; fuit ses responsabilités. Garde une ligne ; est prête à payer le prix du respect de ses valeurs, assume ses décisions.
Considère les événements « négatifs » comme des problèmes ; voit les menaces comme des freins. Considère les événements « négatifs » comme des opportunités ; converti les menaces en opportunités.
Orientée problème : ne voit que les problèmes dans toute solution, ce qui la démotive. Orientée solution : voit des opportunités dans chaque problème, et cela l’énergise.
Attend des autres qu’ils lui trouvent des solutions. Chercher des solutions à ses problèmes, tout en sachant aller chercher des conseils.
Évite le changement ; recherche la routine. Promeut le changement ; curieuse, elle innove et expérimente.
Est passive tant que tout va bien. Se crée des occasions et des opportunités d’évoluer.
Prudente, elle se cantonne autant que faire se peut dans sa zone de confort Audacieuse, elle n’attend pas d’y être obligée pour sortir de sa zone de confort.
Face à la peur, elle fuit ou reste paralysée. Elle affronte ses peurs.
Tics de langage :
– « Je dois faire cela » ;
– « Je n’y peux rien » ;
– « Je n’ai pas le choix » ;
– « Je ne suis pas responsable » ;
– « Je suis comme je suis » ;
– « Il me rend fou » ;
– « Si seulement… » (Covey 2005 : 123).
Choix de langage :
– « Je décide de faire ou de ne pas faire cela » ;
– « Je choisis de le faire et j’assume » ;
– « Je contrôle mes sentiments » ;
– « Je le ferai… » (Covey 2005 : 123).
Vit l’échec personnellement et cherche à s’en prémunir.

Résilient, vit l’échec comme une occasion d’apprentissage. Être proactif est cependant une condition nécessaire mais pas suffisante pour être résilient.

Abandonne par dépit ou sentiment d’impuissance et d’incapacité ; se décourage facilement. Persévérant, optimiste et positif, elle abandonne consciemment, par décision objective, et non pas par découragement.
Ressasse les erreurs du passé et chercher des prétextes ; redoute l’incertitude de l’avenir. Reconnaît ses erreurs, les corrige et en tire une leçon ; a intégré l’incertitude de l’avenir.
Résiste Accueil

Le profil proactif prendra des initiatives, indépendamment des problèmes auxquels il va devoir peut-être faire face. Mais un profil proactif ne fonce pas tête baissée et n’est pas téméraire, ne s’entête pas si cela ne marche pas et sait que, parfois, il faut lâcher prise.

Finalement, une personne proactive sait accueillir l’événement et… :

– face à un travail qui ne donne pas satisfaction, pour lequel la zone de contrainte est trop importante, elle va savoir « démissionner » (ou « déposer le bilan »). Et c’est là que l’attitude proactive joue son rôle : la personne proactive aura anticipé une perte d’emploi (formation continue pour préserver son employabilité ; maintien d’un réseau professionnel…) ; elle aura conscience des raisons qui l’ont amenée à cette décision pour en tirer une leçon (p. ex. : éviter de choisir un travail similaire à l’avenir) ; elle aura « démissionné » de manière positive et constructive (chercher un autre emploi plutôt que de remettre sa lettre de démission brutalement et sans réfléchir) ; elle aura à cœur de maintenir une bonne relation avec son ancien employeur et à tenir à un discours positif à son sujet (quel employeur engagerait une personne qui critique son ancien employeur ?)…
– face à une relation de couple qui ne donne pas satisfaction, elle va savoir « divorcer », ou « aimer » (Covey 2005 : 112). Et c’est là que l’attitude proactive joue son rôle : la personne proactive aura anticipé une dégradation de son couple (séparation des biens ; maintien d’un réseau social…) ; elle aura conscience des raisons qui l’ont amenée à cette décision pour en tirer une leçon (éviter à l’avenir de reproduire une relation similaire) ; elle visera à « divorcer » de manière positive et constructive (en fixant les éléments prioritaires d’attention, p. ex. les enfants) ; elle aura à cœur de maintenir une bonne relation avec son ancien.ne partenaire et de tenir à un discours positif à son sujet (ou au pire, elle se taira à son sujet)…
– face à une maladie, elle va savoir « rebondir ». Et c’est là que l’attitude proactive joue son rôle : la personne proactive aura anticipé un dégradation de sa santé (alimentation saine ; activité physique régulière…) ; elle aura étudié toutes les raisons qui l’ont amenée à cette situation pour en tirer une leçon (éviter de reproduire à l’avenir des comportements similaires) ; elle aura affronté sa maladie de manière positive et constructive (en privilégiant des attitudes qui vont faciliter le recouvrement de sa santé) ; elle aura à cœur si nécessaire de modifier son comportement pour éviter que cela se reproduise…
– etc.

Mise en application
Pour mettre en musique ce réflexe de proactivité, Stephen Covey propose différentes voies :
– Face à problème, le placer dans l’une des trois zones, en analysant à quelles zones on accorde le plus d’importance. S’il n’y a pas de solution au problème, c’est peut-être qu’on fait partie du problème (zone d’autonomie) : « Chaque fois que nous pensons que le problème vient des autres, de l’extérieur, c’est cette pensée même qui constitue le problème. […] La démarche proactive consiste à changer d’abord de l’intérieur » (Covey 2005 : 123). « Si vous commencez à penser que le problème vient de l’autre, arrêtez-vous tout de suite. C’est précisément cette idée qui crée le problème (Covey 2005 : 128).
– Observer ses tics de langage et ceux des autres sur une journée et faire le bilan.
– Anticiper une situation à laquelle on sait que l’on va être confronté et imager une réponse proactive, en passant notamment de la zone de contrainte à la zone d’autonomie.
– Appréhender un problème récurrent et définir des actions concrètes (zone d’autonomie ou zone d’influence) pour le résoudre. Cela peut ainsi être une mise à l’épreuve de sa propre proactivité, sur une période de trente jours.

Pour en savoir plus :
Covey, Stephen R., 2005 : Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, J’ai lu.
Habitude 1. La proactivité
Habitude 2. Les objectifs
Habitude 3. Les priorités
Habitude 4. Le gagnant/gagnant
Habitude 5. L’écoute empathique
Habitude 6. Les synergies
Habitude 7. Développer ses facultés

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