Reinventing Organizations

Références:
Frédéric Laloux
Reinventing Organizations (version résumée et illustrée).
Diateino
2017
Résumé
Dans cette version abrégée et illustrée de l’ouvrage original Reinventing organizations, l’auteur amorce sa réflexion par un constat alarmant : la plupart des salariés (87%) ne sont pas impliqués dans leur travail ; les patrons sont épuisés et parfois impuissants ; les clients ont de plus en plus un déficit de confiance et de fidélité ; la planète va mal (pollution, épuisement des ressources…). Pour comprendre ce triste constat, Frédéric Laloux revient sur l’histoire des modes d’organisation :
– Stade impulsif (organisations rouges) : fondé sur la loi du plus fort (peur, loyauté), on le retrouve aujourd’hui encore dans des structures telles que les gangs de rue. Rémunération : partage du butin.
– Stade conformiste (organisations ambre) : fondé sur la hiérarchie et des processus « stables et reproductibles », on le rencontre dans l’armée, l’église, les hôpitaux ou dans l’éducation. Rémunération : à travail égal, salaire égal.
– Stade de la réussite (organisations orange) : fondé sur un management par objectifs, « les cadres dirigeants définissent la direction générale et la traduisent en objectifs pour les niveaux inférieurs, qui ont une certaine liberté de moyens pour atteindre ces cibles » (2017 : 27), privilégiant ainsi l’innovation, la responsabilité et la méritocratie. Pour ce faire, des outils de pilotage fleurissent, comme les indicateurs de performance et les tableaux de bords. Type d’entreprise comparable à une machine, il regroupe notamment les principaux groupes cotés en bourse. Si ce stade paraît séduisant, deux biais le caractérisent : on tend à la recherche de croissance pour la croissance ; l’argent et la reconnaissance deviennent les seuls moteurs et critères de succès, dont les limites sont connues (Pink 2014; Bocquet 2010). Rémunération : primes individuelles.
– Stade pluraliste (organisations vertes) : basé sur la métaphore de la famille, il fait la part belle à l’autonomie (modèle de la pyramide managériale inversée), à la culture des valeurs et au respect des parties prenantes. Caractéristique de sociétés telles que Southwest Airlines et Ben & Jerry’s, ce modèle comporte une contradiction intrinsèque : « Il veut être égalitaire et chercher le consensus alors qu’il conserve une hiérarchie pyramidale Orange » (2017 : 32). Rémunération : primes collectives.
Pour compléter ces quatre modèles organisationnels existants, Frédéric Laloux propose un nouveau modèle, le stade « évolutif », représenté par les organisations opales. Observant le rôle prépondérant de l’ego dans les quatre premiers modèles, l’auteur résume ainsi la situation : « […] Notre vie a été dirigée par nos peurs, nos ambitions et nos désirs. [Or] quand nous sommes animés par notre ego, nos décisions résultent de causes extérieures » (2017 : 38-39). Illustrant le nouveau modèle par l’organisation de soins à domicile Buurtzorg (Pays-Bas), ce dernier stade pourrait être résumé ainsi :
– Stade évolutif (organisations opales) : considérant l’organisation tel un système vivant (voir la métaphore du corps humain décrit dans le modèle holacratique), il privilégie l’autogouvernance (1), la plénitude (2) et une raison d’être (3) évolutive. Rémunération : en général, répartition d’une partie des bénéfices entre tous.

1. L’autogouvernance
« Nous pensions que la pyramide hiérarchique était indispensable… Mais nous sommes capables de créer des systèmes d’autorité distribuée plus efficaces et plus fluides » (2017 : 57). Face à la complexité contemporaine, les cadres dirigeants sont débordés, les processus décisionnels sont lents et alambiqués, la pyramide hiérarchique devient un goulet d’étranglement, les décisions ne respectent plus le principe de subsidiarité, les personnes qui ont des bonnes idées y renoncent, engendrant frustration et démotivation, les organisations deviennent enfin incapables de s’adapter aux réalités de leur environnement…
Mais autogouvernance ne signifie pas anarchie ; au contraire, selon l’auteur, dans les systèmes d’autorité distribuée, l’explicitation de règles et de processus à même de régler les processus décisionnels ou la gestion des conflits fluidifie les relations et le travail. En particulier, les processus décisionnels mis en place sont en général simples et « plus efficaces que le consensus » (2017 : 62). La prise de décision est alors individuelle, privilégiant un processus de sollicitation : « […] Chacun peut décider de tout […], à condition d’avoir consulté 1) ceux dont c’est le domaine d’expertise, et 2) ceux qui devront vivre avec les conséquences de la décision » (2017 : 68). Il s’agit dès lors de développer les compétences de self-management de l’ensemble des collaborateurs-trices et des équipes.
Bernard Marie Chiquet rappelle par ailleurs que, dans le cadre de l’holacracy, si le contrat de travail inscrit de fait un lien de subordination, les effets pervers (en termes d’empowerment et d’accountability) de ce dernier peuvent toutefois être gommés par le management constitutionnel.
2. La plénitude, l’intégrité
« Nous libérons un énorme surcroît d’énergie quand nous laissons tomber le masque, quand nous osons être pleinement nous-mêmes » (2017 : 81). Frédéric Laloux revient ainsi sur la question de l’ego : « Nous avons tous un ego, cette part de nous qui recherche le succès et la reconnaissance, qui veut faire bonne impression, avoir le dernier mot en réunion, etc. » (2017 : 82). L’environnement professionnel reviendrait à passer sous silence ses valeurs profondes, puis à renoncer à sa « part féminine » (prendre soin les uns des autres, ralentir, exprimer sa vulnérabilité…) et enfin abandonner ses côtés émotionnels, intuitifs et spirituels. On en viendrait à ne plus être soi-même, à ne plus être intègre, et à porter un masque égocentré, masculin et rationnel. Et ceci serait gros consommateur d’énergie et nuirait à la créativité et à l’épanouissement.
Pour déployer la plénitude de son être, il faudrait pouvoir évoluer dans un environnement rassurant, bienveillant et sécuritaire. À titre d’exemple, la « No blame culture » et la « Just culture » visent à remplacer la culture du blâme, qui entrave la prise de risque et donc d’initiative. Autre exemple : le déroulement des réunions. Holacracy a défini des processus de réunion très formalisés et dès lors très efficaces. D’autres modèles pourraient être cités, à l’instar du coaching systémique d’Alain Cardon.
3. La raison d’être évolutive
« Et si, au lieu de forcer l’avenir à se réaliser, nous entrions simplement dans la danse de ce qui doit advenir ? » (2017 : 111). La raison d’être pourrait être autre que la compétition, l’acquisition de nouvelles parts de marché, la recherche de croissance et de profit à tout prix, pour privilégier des valeurs plus « nobles ». Dans cet environnement fondé sur l’accueil, on promeut « le passage de la prévision-contrôle au ressenti-réponse : “Les entreprises conventionnelles regardent cinq ans en avant et font des plans d’action pour l’année suivante. Nous essayons de faire comme les paysans : regarder 20 ans en avant et ne pas prévoir plus loin que le lendemain” » (2017 : 119). Ainsi, à la place de plans stratégiques, tout un chacun peut impulser l’orientation de l’organisation, tout en reconnaissant que certain.e.s sont plus visionnaires que d’autres. Des outils (2017 : 124) facilitent par ailleurs cette élaboration collective d’une direction à prendre, à s’adapter en « temps réel » : la Théorie U d’Otto Scharmer, la démarche appréciative, le World café…
L’auteur donne d’autres exemples de l’intérêt de la raison d’être évolutive face à un monde VICA (« volatile, incertain, complexe, ambigu »), parmi lesquels une meilleure gestion du changement. On en revient au principe de subsidiarité sous-jacent.
La dernière partie de cette version abrégée de l’ouvrage Reinventing organizations pose le cadre de l’implémentation d’un tel type de management, plus facile à implémenter à partir de zéro qu’en partant d’une organisation existante. La condition cadre à une telle implémentation serait la conviction – ou raison tribale – de la part de la structure dirigeante (direction, conseil d’administration) de l’intérêt d’une telle forme de management : « Si vous sentez que l’autogouvernance est la voie à suivre, alors commencez par donner à vos collaborateurs des rôles multiples, plutôt que des intitulés de poste. Lancez le processus de sollicitation d’avis et dotez-vous d’un mécanisme de gestion des conflits. Ce sont probablement les trois ingrédients de base » (2017 : 136-137).
Et l’auteur s’empresse de souligner qu’il n’y a pas de recette miracle, pas plus qu’il n’y aurait qu’une seule recette.
Pour aller plus loin : reinventingorganizations.com
Autre référence : Laloux, Frédéric, 2015 : Reinventing organizations, Diateino.
0 commentaires