La matrice Eisenhower
Le temps est une denrée extrêmement rare : comment concilier vie privée, vie professionnelle et aspirations personnelles ? Comment placer les gros cailloux dans le bocal ? Et cela d’autant plus que :
– L’environnement imprévisible rend toute priorisation caduque presque aussitôt posée. La gestion du temps doit donc se faire en temps réel.
– En temps normal, 80% de nos tâches ne garantissent que 20% de notre productivité, alors que 20% de nos tâches garantissent 80% de notre productivité (Loi de Pareto). La gestion du temps vise à augmenter la part de productivité.
– En écho à la Loi de Parkinson, le travail s’étend pour occuper le temps qui lui a été imparti : réservez 10 minutes pour écrire une lettre, vous prendrez 10 minutes ; réservez-lui une heure, et vous prendrez une heure. La gestion du temps rationnalise les tâches quotidiennes, répétitives et insignifiantes, pour réserver du temps aux tâches urgentes mais importantes.
– Si fixer ses priorités sert d’abord à atteindre ses objectifs sans être submergé ou épuisé, cela sert aussi à dégager du temps pour le mettre au service des autres (Blanchard & Johnson 2011) : avoir du temps pour les autres permet de réduire le fossé et d’augmenter la confiance. À la place d’être submergé, voire figé, la gestion du temps permet de se focaliser sur l’essentiel et sur les autres.
– Pour ne pas sacrifier l’urgent à l’important, le mieux est de se réfugier dans sa caverne, sa grotte, son alcôve (Bocquet 2010 : 112)… bref, de s’isoler du monde pour se concentrer sur une tâche importante : fermer sa porte à clé, quitter sa messagerie électronique, mettre son téléphone sur silencieux, réduire la lumière et choisir une musique douce… La gestion du temps suppose de savoir s’isoler.
– Une tendance naturelle est celle de remettre à demain les tâches importantes mais nécessitant de l’énergie, pour consacrer son temps à des tâches peu importantes (procrastination). La gestion du temps force à se fixer des priorités non pas en fonction de ce qu’on a envie ou aime faire, mais en fonction de ce qui est important et urgent de faire. Ainsi, les tâches répétitives, marginales à l’activité, pourront être reléguées en fin de semaine, où elles peuvent être réalisées rapidement sans nécessiter trop d’énergie.
La grille d’Eisenhower, que l’on retrouve par exemple chez Stephen R. Covey (2005), répartit les tâches selon deux axes, leur degré d’importance et leur degré d’urgence :
– Les taches à degré d’importance et d’urgence faibles peuvent attendre que leur statut se modifie, voire être mises à la corbeille.
– Les tâches importantes mais pas urgentes sont à planifier, pour éviter de se retrouver ultérieurement sous stress. S. Covey (1995, 2005), considère ce cadre « planifier » (important mais non urgent) comme étant au cœur d’une gestion efficace. Un groupe de travail peut aussi être constitué pour préparer le dossier de manière solide.
– Les tâches à faible degré d’importance mais urgentes sont soit à déléguer, en particulier si elles sont répétitives et avec une faible variabilité (question de coût-rendement en termes de temps), soit à réaliser si elles respectent la loi des 2 minutes. A contrario, il faut éviter le penchant naturel à déléguer des tâches importantes mais dont on n’a pas envie de faire.
– Les tâches urgentes et importantes sont à réaliser en priorité.

Faiblesses :
Premièrement, le risque d’un tel modèle est d’évincer la notion de plaisir au travail sur l’autel de la productivité… sauf à appliquer le modèle de manière globale, c’est-à-dire en tenant compte de l’ensemble des aspects de la vie, en plaçant les gros cailloux en premier dans le bocal…
Deuxièmement, ce modèle, qui force à fixer des priorités en fonction de l’importance et de l’urgence de chaque action-tâche, s’articule assez bien avec la méthode GTD. La grille d’Eisenhower permet par exemple de répartir les intrants entre les boîtes « poubelle » et « un jour peut-être… », ou entre les boîtes « déléguer » et « planifier ». Mais l’auteur de la méthode GTD pointe aussi les limites d’un tel modèle : « La méthode GTD se démarque résolument des formations habituelles concernant la gestion du temps. Les vieux modèles laissent l’impression que si une chose et de moindre importance, cela ne vaut pas la peine d’en assurer le suivi ni la gestion » (Allen 2015 : chapitre 11) : « “Fixer ses priorité” au sens traditionnel de se concentrer sur ses buts et valeurs à long terme ne donne pas de cadre pratique pour une grande majorité de décisions et de tâches que nous devons assumer quotidiennement » (Allen 2015 : chapitre 2).
En conclusion, les tâches urgences et imprévisibles étant nombreuses, organiser son temps suppose de prévoir du temps libre pour traiter les impondérables et d’adapter sa ToDoList en permanence, en y renégociant le statut des différentes tâches.
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